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presbyteri constituent un hémicycle central, un chœur. L’eucharistie exige une table, devant laquelle le célébrant prononce les prières et les paroles mystérieuses. Bientôt on établit un ambon pour les lectures et les sermons, puis un cancel de séparation entre le presbyterium et le reste de la salle. Deux réminiscences dominent tout cet enfantement de l’architecture chrétienne : d’abord un vague souvenir du temple de Jérusalem, dont une partie était accessible aux seuls prêtres ; puis une préoccupation de la grande liturgie céleste par laquelle débute l’Apocalypse. L’influence de ce livre sur la liturgie fut de premier ordre. On voulut faire sur terre ce que les vingt-quatre vieillards et les chantres zoomorphes font devant le trône de Dieu. Le service de l’église fut ainsi calqué sur celui du ciel. L’usage de l’encens vint sans doute de la même inspiration. Les lampes et les cierges étaient surtout employés dans les funérailles.

Le grand acte liturgique du dimanche était un chef-d’œuvre de mysticité et d’entente des sentimens populaires. C’était bien déjà la messe, mais la messe complète, non la messe aplatie, si j’ose le dire, écrasée comme de nos jours ; c’était la messe vivante dans toutes ses parties, chaque partie conservant la signification primitive qu’elle devait plus tard si étrangement perdre. Ce mélange habilement composé de psaumes, de cantiques, de prières, de lectures, de professions de foi, ce dialogue sacré entre l’évêque et le peuple, préparaient les âmes à penser et à sentir en commun. L’homélie de l’évêque, la lecture de la correspondance des évêques étrangers et des églises persécutées, donnaient la vie et l’actualité à la pacifique réunion. Puis venait la préface solennelle du mystère, annonce pleine de gravité, rappel des âmes au recueillement ; puis le mystère lui-même, un canon secret, des prières plus saintes encore que celles qui ont précédé ; puis l’acte de fraternité suprême, la participation au même pain, à la même coupe. Une sorte de silence solennel plane sur l’église en ce moment. Puis, quand le mystère est fini, la vie renaît, les chants recommencent, les actions de grâces se multiplient ; une longue prière embrasse tous les ordres de l’église, toutes les situations de l’humanité, tous les pouvoirs établis. Puis le président, après avoir échangé avec les fidèles de pieux souhaits, congédie l’assemblée par la formule ordinaire dans les audiences judiciaires, et les frères se séparent pleins d’édification pour plusieurs jours.

Cette réunion du dimanche était en quelque sorte le nœud de toute la vie chrétienne. Ce pain sacré était le lien universel de l’église de Jésus. On l’envoyait aux absens à domicile, aux confesseurs en prison et d’une église à l’autre, surtout vers le temps de Pâques ;