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SOUVENIRS LITTÉRAIRES



SIXIÈME PARTIE[1].


XI. — EN RÉVOLUTION.

La révolution de février 1848 fut une surprise, et comme elle conduisit la France à l’empire, elle manqua le but qu’elle visait et reste ridicule. En compagnie de Louis de Cormenin, de Flaubert, de Bouilhet, je l’ai vue passer et j’ai noté ailleurs les impressions qu’elle me fit éprouver[2]. Le roi qui s’en allait laissait bien des regrets derrière lui. Si, le 26 février, il fût rentré dans Paris à la tête d’un régiment, on eût battu des mains et on lui eût rouvert le palais des Tuileries, où quelques vainqueurs s’étaient installés et faisaient ripaille. Il ne le devina pas et ne put le savoir, car nul ne le lui dit pendant qu’il se cachait à la côte de Grâce, qu’il errait à Trouville, et qu’il revenait vers le Havre, cherchant le paquebot qui devait le conduire en Angleterre. L’impulsion libérale donnée en 1847 par Pie IX changeait de caractère ; elle devenait révolutionnaire, glissait sous les trônes comme la trépidation d’un tremblement de terre et les ébranlait. L’Italie, l’Autriche, la Prusse, les états d’Allemagne se dressaient contre leurs souverains ; on n’entendait plus que des chants de révolte mêlés au bruit des armes. Louis-Philippe, réfugié au château de Claremont, put dire : « L’Europe

  1. Voyez la Revue du 1er  juin, du 1er  juillet, du 1er  août, du 1er  septembre et du 1er  octobre.
  2. Souvenirs de l’année 1848, 1 vol. in-16 ; Hachette.