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les yeux du patient, il est très probable que les paupières se fermeront involontairement par une série de vibrations.

« Au cas où l’occlusion n’aurait pas lieu, où le sujet laisserait les globes des yeux s’agiter, demandez-lui de reprendre l’expérience; surtout expliquez-lui qu’il est autorisé à fermer les paupières quand les doigts s’avancent vers ses yeux, mais que les globes oculaires doivent rester fixes et que l’esprit doit être rivé à l’idée de l’objet tenu à distance des yeux. En général, les paupières se ferment par des secousses, vibrations, ou en vertu d’un spasme.

« Après douze ou quinze secondes, en soulevant avec douceur les bras et les jambes, on s’aperçoit que le patient a de la disposition à les maintenir dans la posture où ils ont été placés, si l’opération a agi efficacement. Au cas contraire, engagez-le à voix basse de garder les jambes dans l’extension ; le pouls s’accélérera vivement et la rigidité des membres ne tardera pas à se manifester. On trouve alors que les organes des sens, sauf la vue, que la sensibilité au froid, au chaud, à l’action musculaire, que certaines facultés mentales sont prodigieusement exaltés. Comme il arrive après l’ingestion du vin, de l’alcool, de l’opium, cette excitation passagère est bientôt remplacée par une dépression qui excède de beaucoup celle qui accompagne le sommeil naturel.

« L’opérateur peut, à cette seconde période, substituer à la torpeur et à la rigidité un redoublement de mobilité et de sensibilité. Il suffit qu’il dirige un courant d’air sur le ou les organes qu’il veut mettre en action, sur les muscles cataleptisés, auxquels il rendra leur souplesse. Je me déclare absolument incapable d’expliquer le modus operandi du courant d’air et ses effets extraordinaires, mais il n’existe aucune difficulté à reproduire les mêmes effets par les mêmes moyens, que ce soit moi ou tout autre qui opère, que le courant d’air soit produit par le souffle des lèvres, par un soufflet, par le mouvement de la main ou d’un objet inanimé.

« L’étendue et la soudaineté de ces changemens sont si étranges qu’il faut en avoir été témoin pour croire à leur possibilité. »

La manœuvre, comme on le voit, est très simple ; elle diffère à ce point de vue des passes magnétiques et des méthodes complexes conseillées et employées pour créer le sommeil artificiel. On doit savoir gré à Braid de s’en être tenu à ces indications. Plus tard, après avoir multiplié des essais, analysé avec une sagacité crois- sante chacun des phénomènes, il arrivera aux données subtiles. Il sera aussi intéressant de le suivre sur ce second terrain qu’il l’est d’assister aux tentatives élémentaires. Qu’il soit possible par la simple concentration de l’œil et de l’esprit de provoquer un sommeil spécial, la chose n’est actuellement mise en doute par personne.