Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/918

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

villes des Flandres, se réservant pour lui-même la sui-prise d’Anvers, « cette folie d’Anvers, comme on disait alors. » Quatre mille Français y entrèrent, deux mille y périrent. En apprenant ce désastre, Catherine maudit son fils ; Élisabeth ne put s’empêcher de plaindre son fiancé. « Je donnerais, s’écria-t-elle, un million pour retirer le duc de ces sales marais des Pays-Bas. » Elle promit de l’épouser sur-le-champ s’il revenait en Angleterre ; elle en fit le serment à Castelnau. Le duc, sachant trop ce que valaient de pareilles promesses, ne se rendit pas à ce tardif appel. Désavoué par le roi son frère, il se retira, la mort dans l’âme, à Termonde, laissant au maréchal de Biron le commandement de son armée. Désormais sa vie sera errante : de Termonde, il va passer deux mois à Dunkerque, d’où, à l’approche du duc de Parme, il se rend à Calais ; y ne s’y arrête pas et revient à son point de départ, à La Fère. Biron lui amena 5,000 hommes de troupes aguerries. Philippe II s’en alarma et, voulant empêcher toute tentative de réconciliation du duc avec les Flamands, il écrivit à Taxis, son ambassadeur, d’insinuer de nouveau à Catherine qu’il n’était pas éloigné de donner l’une des infantes au duc.

Catherine, qui avait définitivement renoncé au mariage avec Élisabeth, écouta cette proposition. Sur ces entrefaites, comme Biron lui avait écrit qu’il craignait quelque nouvelle escapade du duc, elle partit pour La Fère, emmenant avec elle Mme de Sauves et Mlle d’Atri, comptant sur ces deux entreprenantes auxiliaires pour avoir raison de son fils, affaire qui fut bientôt réglée. Cependant cette galante diversion ne put arracher le duc à ses graves préoccupations ; on lui avait mis en tête que le roi son frère, le voyant mal avec Élisabeth et les Flamands, avait la pensée de lui reprendre tous ses apanages. Catherine écrivit à Villeroy, afin d’obtenir du roi à tout prix une lettre désavouant de pareilles intentions. Cette lettre une fois dans ses mains, elle se sentit plus à l’aise et fit part à son fils du projet de mariage avec l’infante. L’y trouvant d’autant mieux disposé qu’il avait eu la même pensée, elle s’offrit pour solliciter une trêve du duc de Parme. Le duc objecta qu’il en avait déjà fait la demande, mais sans le moindre succès, le duc de Parme ayant exigé qu’on lui rendît Cambrai. Catherine, qui tenait autant que son fils à Cambrai, s’engagea à ravitailler cette place. À partir de ce moment, elle ne le perd plus des yeux. Au mois de septembre, elle vient le retrouver à Château-Thierry, où elle passe quelques jours ; en janvier, elle y revient avec l’espoir de le ramener à la cour. Se rendant aux supplications de Sa mère, le duc, dans la soirée du jeudi gras, se présenta au Louvre. Catherine, les larmes aux yeux, le conduisit auprès de Henri III.