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on lui avait conseillé de ne pas rejeter tout à fait leurs offres et d’attendre le retour de l’amiral Lincoln. »

Lincoln, arrivé à Paris le mercredi 9 juin, avait été conduit au château de Madrid, où résidait la cour. Le dimanche matin, jour fixé pour la ratification du dernier traité, Charles IX le prit dans son coche et le mena au Louvre, dont, avant le dîner, il lui montra toutes les salles. Le banquet avait été dressé dans la grande salle du palais. Smith, Walsingham, Lincoln furent admis à la table royale, où les deux ducs d’Anjou et d’Alençon prirent place. Après le dîner, la cour se rendit à Saint-Germain-l’Auxerrois. C’est là que Charles IX prêta le serment d’usage. Un coche l’attendait dans la cour du Louvre ; il y fit monter Lincoln et le conduisit au jardin des Tuileries, où l’on devait souper dans un petit pavillon recouvert d’ardoises. Après lui avoir indiqué, dans une longue promenade, tous les embellissemens projetés par Catherine, Charles IX fit, comme le matin, asseoir Lincoln à sa table. À d’autres tables prirent place l’amiral Coligny, les quatre Montmorency, les ducs de Guise et d’Aumale. Avant de se séparer, Coligny invita les ambassadeurs à souper le lendemain. Le duc d’Anjou avait choisi le mardi 17 juin. Thoré, Castelnau, Lansac vinrent prendre les ambassadeurs. Les ducs d’Anjou et d’Alençon, qui les attendaient dans le vestibule, les introduisirent dans la salle du banquet ; le festin fut splendide et suivi d’un concert où l’on entendit des chœurs avec accompagnement de virginal, de violes et de luths. À la musique succéda une comédie italienne, les Travaux d’Hercule. Le duc d’Alençon invita pour le lendemain les ambassadeurs, mais, son hôtel n’étant pas assez vaste, il les reçut dans celui du comte de Retz. Cette fête ne le céda en rien aux deux autres. La série de ces réceptions princières se termina par un dernier dîner et un autre concert chez le duc de Nevers.

Lincoln emportait donc une haute idée de la France ; en voyant à la même table protestans et catholiques, Coligny et le duc de Guise, il dut croire au rapprochement des partis ; il avait été surtout très favorablement impressionné par la bonne opinion que les principaux protestans avaient du duc d’Alençon. À son retour, il dit à Elisabeth que, loin d’être inférieur à son aîné, le duc lui était peut-être supérieur « et par la mine et par le crédit. » Elle répondit qu’il n’approchait pas du duc d’Anjou et que les marques de la petite vérole ne contribuaient guère à relever sa mine. » Elle se montra toutefois plus accessible à un examen sérieux de la proposition de mariage et pria Walsingham de lui faire connaître sans réticence ce qu’il pensait du prince. Voici le portrait qu’il en fit : « Il passe pour avoir de la sagesse et de la bravoure, mais un peu de légèreté, défaut ordinaire de sa nation. On lui applique le proverbe