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Il n’y a pas là une certitude spéciale d’un genre nouveau, mais la même certitude que dans les sciences expérimentales ; seulement, les signes étant plus douteux et plus difficiles à interpréter, il y a beaucoup plus de part à faire à la probabilité qu’à la certitude. C’est donc là une véritable connaissance, et l’on n’emploie le mot de croyance que par équivoque.

Voilà pour le témoignage en matière de faits. En est-il autrement du témoignage en matière de doctrine? Non, sans doute; et c’est, selon nous, tout à fait la même chose. Si je crois à l’autorité d’un savant quand il s’agit de sa science, à celle d’un historien s’il s’agit d’érudition, à un jurisconsulte en matière de lois, c’est que je suppose, en vertu de l’expérience, que celui qui s’est occupé d’une science en sait plus que celui qui ne l’a pas apprise, et qu’il en sait par conséquent plus que moi. Mais si, au lieu de m’en tenir là et de me borner à une juste déférence envers une autorité supérieure, je m’y livrais aveuglément, l’expérience me prouve que je me tromperais très souvent. La croyance n’est donc pas encore ici une œuvre propre de la volonté : c’est une induction qui doit être proportionnée à la compétence supposée du témoignage que j’invoque. Il n’y a donc à tirer de là aucun argument en faveur du devoir de croire au-delà des signes précis dont la logique peut seule déterminer la valeur.

M. Ollé-Laprune pense, au contraire, que, quand il s’agit de vérités morales, c’est un droit et même un devoir de dépasser le strict degré d’évidence qu’exigerait la connaissance scientifique, d’affirmer, par une sorte de saltus, des conséquences non contenues dans les prémisses, des causes disproportionnées aux effets, le plus en partant du moins. Il donne pour exemple la confiance que l’on a en un autre homme pour la conduite de la vie. « Je suis, dit-il, dans une situation perplexe, embarrassante; je n’ai pas assez de lumières pour me décider moi-même. Je vais trouver un ami, un sage en qui j’ai toute confiance, et je lui dis: Prononcez vous-même, prononcez pour moi ; je ferai ce que vous voudrez. Je m’incline, je me soumets, je m’abandonne, non pas d’une manière aveugle (car si mon conseiller devenait subitement fou, je renoncerais à lui); mais tant que je le crois raisonnable, je le laisse prononcer : c’est là un acte de foi. »

Cet exemple n’offre encore rien à nos yeux qui se distingue des cas ordinaires du témoignage et qui ne se ramène par conséquent aux lois de la logique pure et simple. Remarquons d’abord qu’il s’agit ici, non plus de vérité, mais d’action. Je suppose que je suis forcé d’agir; de là la nécessité de prendre un parti. Dès lors, quoi de plus raisonnable que de s’adresser à l’homme que l’on croit plus