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chaleurs, comme les hivers de grands froids. L’humidité était le trait dominant de la température ; celle-ci devenait plus rude dans le voisinage des glaciers, surtout de ceux, comme les glaciers scandinaves et les glaciers alpins, qui occupaient d’énormes périmètres, le long desquels, malgré des oscillations partielles, la glace se présentait en masses gigantesques. On conçoit que certains animaux, qui aujourd’hui se plaisent dans les régions froides, l’élan, le bœuf musqué, le chamois, le saïga découvert par M. Gaudry, mais surtout le renne, se soient alors accommodés de ces circonstances locales et en aient profité pour se multiplier largement dans les cantons soumis à une pareille influence. Ces mêmes animaux ont pu en descendre pendant l’hiver pour aller plus loin, au sein des vallées inférieures, chercher des pâturages non ensevelis sous la neige. Par la même raison, les animaux des plaines tièdes et même ceux du sud ont également pu remonter périodiquement vers le nord et profiter de la belle saison pour s’avancer vers les pays qui leur offraient, avec une fraîche végétation, des alimens assurés jusqu’aux approches même des glaciers.

Le même ordre de choses, peut-être avec des variations partielles, que de si loin il est impossible d’apprécier, persista jusqu’à la plus grande extension des glaciers ; et, cette extension une fois accomplie, elle a fort bien pu demeurer longtemps stationnaire avant de céder à un mouvement de retraite, toujours fort lent et accompagné lui-même de retours momentanés.

Il est cependant certain que les conditions premières finirent par s’altérer; le climat changea peu à peu; les glaciers s’arrêtèrent, puis commencèrent à reculer. Nous sommes assurés de l’existence et des caractères de cette nouvelle période par des signes irrécusables. En interrogeant les divers ordres de phénomènes auxquels nous nous sommes attaché, les réponses que l’on obtient concordent de tous points, et cet accord en atteste la réalité.

Si nous cherchons avant tout le sens général des événemens qui durent se dérouler, il nous sera donné par des indices qui n’ont rien d’équivoque : les glaciers déclinent et reculent, les tufs et par conséquent les sources s’amoindrissent ; les grands pachydermes s’éloignent ou deviennent graduellement plus rares, tout cela par une seule cause, qui n’est autre que la diminution de l’eau, des neiges sur les montagnes, des pluies dans les régions inférieures. Ainsi, l’égalité du climat n’est plus constante; le froid augmente et la sécheresse fait des progrès; la végétation s’appauvrit par cela même. Ces trois faits se prouvent l’un par l’autre et s’enchaînent nécessairement. Les tufs de Provence avaient montré part o ut le pin de Salzmann, le tilleul, l’érable à feuilles d’obier, relégués depuis lors dans des stations plus fraîches que le plat pays. Les