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Europe à la plus ancienne période, nommée par M. Evans « période des graviers, » ne se retrouvent-ils nulle part ailleurs? Effectivement on en a signalé de pareils ou du moins d’analogues recueillis dans l’Inde auprès de Madras, dans la Babylonie méridionale, en Palestine, en Grèce, plus loin au cap de Bonne-Espérance. Cependant, sauf ceux que l’on a retirés d’une couche de sable près de Mégalopolis, en Arcadie, où ils étaient associés à des ossemens de grands pachydermes, aucun de ces instrumens n’est assez authentique ni d’une ancienneté assez avérée pour donner lieu jusqu’ici à aucune conclusion. Ils ne sauraient être en tout cas mis en parallèle avec les objets découverts en Europe, les seuls dont la date soit certaine et qui nous reportent à une antiquité réellement prodigieuse. Cette ancienneté même devient un obstacle à la détermination de ce que pouvait être l’usage de pareils instrumens. Comment appliquer les lois de l’analogie dès que l’on s’enfonce dans un pareil lointain et vis-à-vis d’une race dont l’instinct et les habitudes nous sont aussi inconnues que sa manière de vivre et les nécessités même de l’existence qu’elle menait?

Pour ce qui est d’évaluer en années ou même en siècles l’âge auquel remonte la race dont nous venons d’esquisser l’histoire, l’esprit se perd aisément dans de semblables calculs. Il vaut mieux, à l’exemple de M. Evans, renoncer à toute supputation que de proposer un chiffre qui ne reposerait sur rien de sûr. Les huit cent mille ans de M. Lyell n’ont pas plus de réalité objective que les deux cent mille proposés par M. John Lubbock. Songeons seulement à ce qu’il a fallu de suites de siècles pour que le glacier du Rhône, parti du fond du Valais, s’avançât graduellement jusqu’à Lyon et plus encore pour que trois associations d’animaux gigantesques, fortement armés dans la lutte pour l’existence et défendant pied à pied le sol dont ils étaient les maîtres incontestés aient graduellement décliné, en se retirant peu à peu, jusqu’au moment où celle de ces associations que caractérise le mammouth occupât à elle seule toute l’Europe centrale et s’y maintînt avec assez de persistance pour semer de toutes parts les vestiges répétés de ses débrouilles. Seuls, les débris humains ont longtemps fait défaut à cet immense ossuaire. Leur absence a été commentée; elle a paru singulière à certains auteurs. D’autres, comme M. Evans, ont remarqué avec raison que l’homme des graviers de Saint-Acheul devait être bien faible en nombre relativement aux populations animales au milieu desquelles il vivait. Par lui-même, il ne se range pas parmi les êtres de grande taille, dont les os se sont conservés, toujours cependant dans une proportion restreinte. On ne rencontre guère au fond des graviers de restes épars d’animaux d’une dimension égale ou inférieure à celle de l’homme. Enfin l’usage d’une