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des ossemens de mammouth, d’autres instrumens affectent un contour oblong et aminci dans le haut en forme de manche. Il en est qui ont à peine dégrossis, tandis que d’autres dessinent un ovale, un losange ou une amande d’mie surprenante régularité» provenant de retouches intentionnelles, exécutées à l’aide de petits éclats. C’est à Santon Downham, localité qui fait partie du comté de Suffolk, que se rencontrent les plus parfaits spécimens ; quelques-uns, terminés par une pointe des plus aiguës, peuvent avoir servi de pointes de dard. Les restes d’éléphans accompagnent toujours ces instrumens, qui sont parfois accumulés avec une telle profusion qu’on les a fait servir à combler des ornières.

Ils se trouvent également, bien qu’avec une moindre abondance, dans la vallée de la Tamise et dans des conditions de gisement absolument identiques. L’un des plus anciennement découverts, puisque la date de sa découverte remonte à 1715, d’après M. Evans, provient des environs immédiats de Londres ; c’est un silex noir remarquable par la régularité de sa taille à larges éclats et sa terminaison supérieure atténuée en coin. — A Reculver, à Cantorbéry, à Boiscombe, Downton, Millford-Hill, etc., d’autres instrumens, énumérés et décrits par M. Evans, ont été collectionnés par les archéologues anglais ; ils attestent la présence et même la multiplication de l’homme, qui se plaisait évidemment dans cette contrée et y trouvait des conditions favorables de séjour et d’alimentation, dans la première partie des temps quaternaires, associé d’abord à l’éléphant antique et plus tard au, mammouth, lorsque celui-ci remplaça la première de ces deux espèces.

M. Evans fait ressortir avec raison la ressemblance générale de ces instrumens en France comme en Angleterre. Ajoutons tout de suite que, bien plus au sud, ils ont été rencontrés dans les graviers de la Haute-Garonne par M. Noulet et jusqu’aux environs de Madrid.

Le caractère des dépôts, les restes de mammifères et de mollusques qui les accompagnent étant partout les mêmes, et l’aspect ainsi que le mode de fabrication ne différant pas et dénotant les mêmes procédas, n’est-on pas autorisé à conclure que tous ces instrumens appartiennent à une même époque et qu’ils ont été utilisés par une seule et même race d’hommes ? — L’époque est celle que caractérise la présence successive de l’éléphant antique d’abord, du mammouth ensuite; la race de Saint-Acheul ou des instrumens de silex épars dans les graviers embrasse évidemment ces deux âges, qui se suivent, se complètent et qui partent du moment où l’extension des glaciers est en train de s’accomplir jusqu’à celui où cette extension atteint ses limites extrêmes.

M. Gaudry, dans ses Matériaux pour l'histoire des temps quaternaires,