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Le mammouth, refoulé dans la même direction, a dû chercher à se répandre à l’ouest de son pays natal et, par conséquent, à passer en Europe, en contournant l’Oural et suivant la ligne des plateaux, où les grands fleuves qui se rendent à la Caspienne et à la Mer-Noire, l’Oural, le Volga, le Don et le Dnieper, ont leur source.

En effet, ces grands animaux, ne pouvant traverser ces fleuves, furent bien forcés de les remonter pour trouver un passage; mais une barrière longtemps infranchissable opposa sans doute un obstacle à ce passage du mammouth : c’est la formation du Tschornosien ou des « terres noires, » qui doit, à ce qu’il semble, son origine à de vastes marais peu profonds, dont le limon aurait été déposé dans un dépression vague, dernier reste de la mer miocène précédemment retirée. C’est seulement après le dessèchement de cette nappe fluvio-lacustre que le mammouth aurait pu se répandre à travers la Russie méridionale. Il est certain que des ossemens de mammouth ont été signalés par Huot dans des argiles routes mêlées de cailloux, aux environs d’Odessa. Une fois engagé dans cette direction, le mammouth a dû nécessairement suivre le Dnieper, contourner les Carpathes et pénétrer ensuite par la vallée du Danube jusqu’à Ulm et à Canstadt pour se répandre de là à l’ouest et au nord dans toutes les parties de l’Europe que les glaces n’avaient pas recouvertes. Mais après avoir tracé cette marche, on se demande naturellement si l’homme, par les mêmes causes, arrivant, comme le mammouth, de l’Asie et, comme lui, nouveau-venu sur le continent européen, n’a pas suivi la même route, de manière à aboutir également vers Canstadt et à la vallée du Rhin, pour redescendre ensuite dans celles de la Seine, de l’Oise et de la Somme. Plus agile, trouvant à se nourrir plus aisément que l’éléphant, se procurant avec plus de facilité que ce dernier un refuge pour la nuit, un abri pour sa famille, l’homme, s’il a pris la même direction, a dû arriver avant le mammouth sur les bords de l’Océan, où il s’est forcément arrêté.

Effectivement le fait est réel, et, selon nous, parfaitement authentique. Les vestiges assurés de l’homme européen, révélés par les instrumens, sont associés aux restes de l’éléphant antique et inférieurs, par conséquent antérieurs à ceux du mammouth dans les carrières de Chelles et de Montreuil, non loin de Paris.

A la partie la plus inférieure de ces carrières, dans un lit de cailloux roulés et de sable u grisâtre, riche en molaires d’Elephas antiquus, » M. Florentino Amenigho a recueilli dernièrement[1] toute une série de hachettes amygdaleïdes, taillées sur les deux faces, reproduisant le type bien connu des silex de Saint-Acheul.

  1. Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, IIIe série, t. IV, p 96.