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aucune des formes caractéristiques qui le distingueront plus tard. Ni le chêne de Portugal, ni le farnetto, autre chêne maintenant calabrais, ni le planère, encore moins un type d’hamamélidées, aujourd’hui persan, ne rappellent les combinaisons végétales qui prévalurent plus récemment et que nous avons encore sous les yeux, il a donc fallu un temps très long pour arriver à l’âge où vécut sur les mêmes lieux l’éléphant a antique, » au milieu des chênes, des ormes, des micocouliers, des lauriers, des érables, des tilleuls et des frênes, dont les espèces nous sont demeurées familières.

Là est le secret de la durée des temps quaternaires; la nature a plusieurs fois changé de face. Non-seulement les espèces primitivement dominantes ont fait place à d’autres ; mais les variations de climat ont motivé ces changemens en réalisant des combinaisons florales différentes de celles qui avaient précédé, et les animaux ont subi le contre-coup inévitable de ces événemens. Les carnassiers ont changé comme les pachydermes et les ruminans. — A côté de l’éléphant « méridional » vivait le machairodus, le tigre le plus formidablement armé qui ait jamais existé. L’hyène du Cap ou hyène tachetée se rencontre dans le midi de la France, tandis que l’hyène, l’ours et le lion des cavernes accompagnent le mammouth. Il serait facile en abordant les ruminans de multiplier ces exemples. Toujours on remarquerait des faunes juxtaposées, quand elles ne sont pas successives, parce que chacune d’elles répond à un ensemble de conditions gouvernées par le climat et la flore, qui tantôt se manifestent simultanément dans des régions limitrophes et tantôt se substituent en se remplaçant sur un seul et même lieu.

C’est ainsi qu’à la domination de l’éléphant « méridional » habitant toute l’Europe a succédé celle de l’éléphant « antique» d’abord associé au premier, puis régnant seul dans le nord, jusqu’au moment où, refoulé à son tour vers le midi, il cède la place dans le centre et le nord au mammouth. Celui-ci, nouvel arrivé, s’étend plus ou moins, sans jamais s’écarter beaucoup du périmètre des glaciers alpins dans toutes les directions. Nous obtenons ainsi au moins trois et peut-être quatre périodes dont la première est encore pliocène, le quaternaire proprement dit coïncidant avec la disparition définitive de l’éléphant « méridional. » — L’homme a-t-il été contemporain en Europe de l’éléphant « méridional,» c’est-à-dire antérieur à la période quaternaire et à la plus grande extension de glaciers ? La présence de l’homme sur notre continent dans un âge où les choses extérieures différaient peu de ce qu’elles furent plus tard, lorsque la race de Saint-Acheul est venue le peupler, cette présence ne soulève par elle-même d’objections d’aucun genre, et l’on peut admettre que la douceur relative du climat et l’abondance de productions