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Cowley, toujours prêt à s’entremettre auprès de son gouvernement et à aplanir les difficultés, étaient de nature à dissiper tous ses doutes à cet égard. Autant certains noms de la diplomatie étrangère ont laissé au patriotisme français de douloureux souvenirs, autant celui de lord Cowley s’impose à ses regrets et à sa reconnaissance. Lord Cowley avait été accrédité auprès de l’empereur dès le lendemain de son avènement ; il avait présidé à l’alliance de la France et de l’Angleterre lors de la guerre de Crimée. Il était de tous les ambassadeurs à Paris, par la dignité de son caractère et la sûreté de ses relations, le plus considéré. L’empereur avait confiance en lui ; il avait pu reconnaître en maintes circonstances que ses avis étaient sages et qu’il ne transigeait pas avec la vérité. Sa tenue était correcte et sévère ; il ne se livrait pas à tout le monde, mais il était constant dans ses amitiés. Sa droiture légèrement puritaine imposait à l’empereur, elle le troublait depuis que sa politique déviait des grandes lignes qu’il s’était tracées au début de son règne. Lord Cowley ne s’en offusquait pas, mais il nous voyait avec regret soulever toutes les questions et rechercher alternativement toutes les alliances. Le jour où il comprit que la voie dans laquelle l’empire s’engageait de plus en plus rendait sa tâche difficile, il abandonna son poste et se retira dans ses terres, en Angleterre. Il avait assisté à l’épanouissement de la politique impériale, il ne voulut pas être le témoin de sa chute. S’il s’était trouvé à Paris en 1870, peut-être eût-il inspiré à l’empereur l’énergie qui lui manquait pour réagir contre de funestes conseils et peut-être l’eût-il empêché d’assumer le rôle de provocateur.

L’ambassadeur de Russie à Paris fut plus explicite que l’ambassadeur d’Angleterre. M. de Budberg promettait à M. de Moustier que son gouvernement, fidèle à l’entente de Stuttgart, n’entrerait dans aucune coalition contre nous et s’emploierait à dissoudre celles qui pourraient se former. Il nous laissait carte blanche en Occident jusqu’à la Belgique inclusivement. Il semblait même indiquer qu’on n’était pas assez content de l’Allemagne à Saint-Pétersbourg pour s’inquiéter beaucoup de ce que nous pourrions faire, « même à l’encontre du territoire sacré de la Germanie. »

Mais ce que M. de Moustier tenait à connaître surtout, c’était l’attitude éventuelle du cabinet de Vienne. L’Autriche qu’au dire tardif de M. Rouher, nous avions « trop saignée, » devenait, meurtrie et affaiblie, à l’heure du péril, un confident et une assistance pour notre politique. M. de Moustier s’épancha avec le prince de Metternich. La réponse du comte de Beust ne se fit pas attendre, elle était marquée au coin de la sagesse. « La France s’est engagée sur un mauvais terrain, écrivait-il. Un marché conclu au profit d’une