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obstiné et à Paris qu’une majestueuse et placide confiance, qui ne suffisait pas à la rassurer. « Soyez tranquilles, disait M. Drouyn de Lhuys, d’un air paterne, à M. de Lichtenfeld, encore à la fin du mois d’août, vous serez contens de nous ! Ne vous préoccupez ni du Limbourg ni du Luxembourg, personne n’y touchera. Si le gouvernement français était amené à formuler des demandes de compensations, c’est sur l’Allemagne qu’il les porterait. » Les inquiétudes s’étaient atténuées, et déjà l’on se croyait hors de cause, lorsqu’on apprit que M. de Bismarck, après avoir refusé le Palatinat à la France, s’était offert à lui assurer la cession du Luxembourg, ce qui impliquait nécessairement l’évacuation de la forteresse. M. de Zuylen, convaincu que les états-majors prussiens ne se dessaisiraient qu’à leur corps défendant d’une position stratégique de cette importance, voulut en avoir le cœur net. Il chargea M. de Bylandt de pressentir le cabinet de Berlin et de s’assurer de ses intentions. Il devait au besoin proposer à la Prusse de rattacher le grand-duché à l’Allemagne, par une alliance à la fois commerciale et militaire, réservant l’occupation de la citadelle à une garnison mixte. Le gouvernement hollandais se flattait qu’en faisant la part du feu, le gouvernement prussien lui donnerait quittance pour le Limbourg et ne réclamerait pas l’entrée du Luxembourg dans la Confédération du Nord. Il n’avait qu’un souci, c’était d’échapper à toute solidarité compromettante avec l’Allemagne.

Mais M. de Bismarck persista dans son mutisme. M. de Zuylen eut beau interpeller le comte Perponcher, la consigne était de répondre qu’il manquait d’instructions. Il entrait dans la stratégie du ministre prussien, — c’est du moins ce qu’il confiait à M. Benedetti, qui lui demandait d’être plus communicatif avec la diplomatie néerlandaise, — de laisser le cabinet de La Haye dans une complète incertitude sur le sort réservé à ses deux provinces. « Le Limbourg, disait-il, est un excellent moyen de pression pour amener les Hollandais à vous céder le Luxembourg. » Peut-être aussi pensait-il que le Limbourg serait un excellent moyen de pression pour déterminer la Hollande, si les circonstances devaient l’exiger, à rompre avec la France. Cette hypothèse n’avait rien de téméraire, l’événement devait la justifier. Du reste, les doutes allaient cesser. Dès les premiers jours de février, le gouvernement français faisait pressentir les dispositions du gouvernement néerlandais au sujet d’une cession éventuelle du Luxembourg, et il s’appliquait à préparer le terrain tour à tour par des moyens ostensibles et occultes. L’empereur, de son côté, mettait la reine des Pays-Bas au courant de la situation. Il comptait sur son intervention auprès du roi Guillaume III pour le gagner à ses combinaisons.