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intervention pacificatrice, — question toujours délicate entre deux puissances dont la politique est si vivement engagée en Égypte.

Heureusement les choses ne sont pas allées jusqu’à provoquer une résolution soit de la Porte, soit des puissances protectrices. La crise a été détournée par l’intervention de Chérif-Pacha, qui a accepté le pouvoir, qui a même déjà choisi ses collègues dans le ministère. Esprit honnête et éclairé, homme d’expérience, Chérif-Pacha offre cet avantage que les chefs de l’insurrection se sont inclinés devant lui sans lui dicter de conditions et qu’il est fait pour inspirer toute confiance au khédive. Il a accepté le pouvoir sans l’avoir brigué, sans l’avoir acheté par des concessions à l’émeute, dont il profite sans en avoir été le complice. Sa situation n’est point assurément aisée. La difficulté pour lui est de se délivrer des influences militaires qui pourraient le renverser, comme elles ont renversé Riaz-Pacha, et de réaliser le programme de réformes pratiques, prudentes, qu’il a présenté au khédive. Dans tous les cas, un des points essentiels, rassurans de ce programme est l’empressement avec lequel Chérif-Pacha se rallie au contrôle européen, qu’il voyait autrefois avec méfiance, qu’il représente justement aujourd’hui comme un bienfait, comme une sauvegarde pour l’Égypte.

Même dans les pays qui ont été trop accoutumés aux jeux de la force, il y a un temps pour les pronunciamientos, il y a aussi un temps plus heureux pour la vie régulière à l’abri du régime constitutionnel et légal. L’Espagne, qui a vu passer tant d’insurrections militaires et qui pour son bien semble perdre l’habitude de ces dangereux spectacles depuis la restauration de la monarchie constitutionnelle, l’Espagne a eu le mois dernier, comme la France, ses élections pour le renouvellement de la chambre des députés et d’une partie du sénat. L’autre jour, ces chambres renouvelées par les derniers scrutins se sont réunies à Madrid. Le jeune roi Alphonse, accompagné de la reine, est allé inaugurer avec une certaine solennité cette session parlementaire, et il y a cela à remarquer que les deux souverains, brillans de jeunesse, ont été salués sur leur passage par une population plus démonstrative dans ses sympathies que d’habitude. Le discours par lequel le roi Alphonse a ouvert les travaux des chambres, ce discours, qui est l’expression de la politique du cabinet et qui est, dit-on, l’œuvre du président du conseil, n’a sans doute rien d’extraordinaire. Il y a seulement quelques points qui ne laissent pas d’être caractéristiques. Le roi Alphonse a pu notamment annoncer aux certes l’heureuse issue des négociations qui étaient engagées depuis quelques semaines entre les cabinets de Paris et de Madrid au sujet des Espagnols qui ont souffert dans leur vie et dans leurs biens par suite de l’insurrection de la province d’Oran. Il y avait là une question assez délicate, assez compliquée, d’autant plus que si des Espagnols ont souffert à Saïda, des Français ont été aussi victimes de toute façon à Cuba, dans les provinces