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assurément, le fait le plus bizarre en ce genre est ce qui vient de se passer au sujet de la classe de 1876.

Il n’y a que quelques jours, M. le ministre de la guerre, ayant à organiser de nouveaux renforts pour l’Afrique et à puiser dans les régimens de France de quoi compléter les bataillons qu’il a déjà expédiés, avec lesquels il forme les corps d’opérations, M. le ministre de la guerre prend une résolution : il se décide à se servir de ce qu’il a, notamment à ne pas libérer avant l’heure les hommes de la classe de 1876, à laisser au contraire ces hommes mêlés à ceux des autres classes dans les contingens destinés à l’Algérie. C’est une affaire d’intérêt militaire ; il s’agit de maintenir dans les rangs un élément solide, des soldats qui ont déjà quelques années de service. La mesure paraît bien simple : elle est décidée, publiée et déjà à demi exécutée. Pas du tout, il ne s’agit plus bientôt de cela. Ce qui a été décidé ne tarde pas à être révoqué. La veille, M. le ministre de la guerre ne pouvait se passer de la classe de 1876, le lendemain, il est prêt à la renvoyer dans ses foyers ; il avait jugé nécessaire de porter l’effectif des bataillons actifs à six cents hommes, il s’empresse de réduire le chiffre. Tout est changé d’une heure à l’autre. Que s’est-il donc passé ? Ah ! voilà le grand secret que le chef de l’armée avait oublié ! Pendant la période électorale on n’a cessé de proclamer par la voix des préfets, par des affiches répandues dans tous les villages de France, qu’il n’y avait aucune crainte de guerre, aucun projet de garder sous les drapeaux la classe de 1876. Il faut bien s’exécuter aujourd’hui sous peine d’avouer que déclarations et promesses n’étaient qu’une simple manœuvre électorale ; c’est au minisire de la guerre, qui s’est trop hâté, de se rétracter au risque d’avoir des effectifs insuffisans. Notez que, par exception cette fois, M. le ministre de la guerre était strictement dans la régularité, qu’il ne faisait que rentrer dans la loi en retenant une classe qui n’est libérable que l’année prochaine, que s’il applique depuis deux ans ce qu’on appelle le service de quarante mois, c’est de sa part un acte purement arbitraire, une rançon qu’il paie aux partisans de la réduction du service militaire. N’importe, la loi et l’intérêt de l’armée ne comptent pas, les affiches électorales priment tout. Ainsi, avant la fin de la session, on déguise la gravité des choses, on a même l’air de rappeler des troupes pour n’avoir point d’affaires avec le parlement ; après les élections, on s’expose à tout désorganiser, on réduit des effectifs parce que les préfets ont promis que la classe de 1876 ne serait pas retenue. On se traîne dans une série d’irrégularités, de contradictions, d’obscurités par le plus vulgaire calcul de parti, et le décousu des procédés militaires n’est égalé que par la légèreté, par l’incohérence des procédés financiers.

Qu’en est-il en effet de cette autre partie des explications officielles ? La note du ministère de la guerre sur ce point est certes fort instruc-