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sabre. Deux ans et plus sont passés : qu’est-il résulté de ce règne noureau inauguré dans nos possessions algériennes ? L’Afrique est en feu, et M. le gouverneur-général est dans le Jura : il préside encore dans ses loisirs des champs à l’assimilation de l’Algérie et aux « rattachemens » civils, tandis qu’un simple militaire, M. le général Saussier, est envoyé pour reconquérir la paix qu’on n’a pas su défendre et maintenir. Une réflexion cependant vient aussitôt à l’esprit. Si le système civil n’est point une fantaisie, s’il suffit à tout, pourquoi M. le gouverneur-général n’est-il pas à son poste pour déployer les ressources du régime qu’il représente ? Si sa présence est inutile le jour où une crise sérieuse éclate, s’il peut être sans inconvénient à Mont-sous-Vaudrey tandis que d’autres ont la charge de se mesurer avec toutes ces difficultés africaines, qu’a-t-il à faire désormais à Alger ? Que signifie un régime qui n’est bon que pour une parade civile, dont l’insuffisance éclate au moment du danger ? Et si tout cela enfin n’est point une parfaite anarchie produite par une idée fausse appliquée au gouvernement de l’Algérie, qu’est-ce donc ?

Le malheur est que cette question africaine, qui éclipse toutes les autres, subit elle-même le contre-coup des contradictions, des imprévoyances, des dissimulations, des calculs d’une politique de parti, et on le sent trop jusque dans les détails de ces opérations multiples qui se poursuivent depuis quelques mois de Tunis au Maroc. M. le ministre de la guerre a cru répondre aux préoccupations croissantes du pays en faisant publier récemment deux notes explicatives ou rectificatives : l’une sur les événemens militaires de la Tunisie et de l’Algérie, l’autre sur les dépenses de la campagne, et ces deux notes sont certes le spécimen le plus curieux des inexpériences accumulées dans ces tristes affaires.

Que M. le ministre de la guerre ait rencontré dès le premier moment des difficultés dans l’organisation militaire de la France, qu’il ait cru agir au mieux en adoptant telle combinaison plutôt que telle autre pour la composition du corps expéditionnaire de Tunis et pour l’envoi de forces nouvelles dans les provinces de l’Algérie, c’est possible ; c’est une question toute militaire qui reste réservée. Il n’est pas moins vrai que, quelle que fût la combinaison adoptée, c’est l’exécution qui a manqué sans cesse, et elle a manqué faute d’une idée nette et précise, d’une volonté ferme, d’une attention vigilante dans la préparation de la laborieuse campagne qu’on allait engager, dont on devait prévoir les complications et les nécessités ; il n’est pas moins clair que, depuis le commencement jusqu’à cette heure même, les préoccupations politiques ont eu le premier rôle dans tout ce qui s’est fait, que l’intérêt militaire est perpétuellement subordonné à toute sorte de calculs, tantôt à des considérations parlementaires ou ministérielles, tantôt même à de simples raisons de tactique électorale, et