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à la fin sa femme et tous ses droits. Et puis? Et puis, c’est tout. Et je ne garantis pas que si la Belle Affaire a été mieux accueillie, en somme, qu’un Beau Mariage, c’est seulement par la raison qu’indique l’auteur dans sa préface : à savoir que le sujet est plutôt divertissant que pathétique. Le sujet, à mon avis, peut se tourner aussi bien au drame qu’à la comédie; mais M. Cadol ne s’est pas borné à le transposer comme il dit : il l’a simplifié beaucoup; il l’a dégagé d’intrigues parasites et d’incidens romanesques ; et voilà, selon moi, la meilleure raison de son succès. Maintenant est-ce à dire que je préfère de tout point la Belle Affaire à un Beau Mariage? Non certes, il faudrait, pour cela, préférer le style de M. Cadol à celui de M. Augier. Certaines scènes d’un Beau Mariage, notamment celles du deuxième acte, où le mari est trop humilié, la belle-mère et la femme invraisemblablement féroces, paraissent pénibles et sans doute ont nui au succès de la pièce. Mais, au retour de l’Odéon, où vous aurez pris, à voir la Belle Affaire, une leçon de simplicité d’intrigue, relisez un Beau Mariage pour prendre une leçon de dialogue, de bon langage et de mâle réplique; la lecture, assurément, ne vous sera pas moins agréable que le spectacle, et vous vous confirmerez dans cette idée que, si le style au théâtre est chose superflue, le superflu là comme ailleurs est chose nécessaire.

A l’occasion de cette reprise, sur la scène de l’Odéon, d’une pièce destinée à ce théâtre, — mais refusée là, puis au Vaudeville et ensuite au Gymnase, avant d’être jouée cent fois de suite en 1870, au Château-d’Eau, — M. Cadol a écrit, pour l’encouragement des jeunes auteurs, une préface où il raconte ses tribulations. « Faites sincère, leur dit-il, dans le jargon à la mode ; et soyez têtus !» Il a raison. Tout vient à point à l’auteur qui sait attendre. — même un directeur de théâtre, et même deux. Auprès de M. de La Rounat, voici M. Koning, que je vous donne pour animé des meilleures intentions. On vous dira, je le sais, que de ces intentions-là il pave son enfer, et que, depuis un an, il y cuit à petit feu. Qu’importe, sinon à lui, que sa première campagne n’ait pas été heureuse? Il est jeune, alerte, aventureux et gai : je vous donne ma parole qu’il prendra sa revanche. On l’accable sous le souvenir de M. Montigny : quel directeur me citerez-vous qu’on n’écraserait d’un tel poids, et qui voudriez-vous à la tête du Gymnase? M. Koning n’avait fait ses preuves que comme imprésario d’opérettes : depuis qu’il est au Gymnase, — dans cette année si malheureuse, — il a donné des gages à la bonne littérature en s’assurant pour un avenir prochain le répertoire de M. Feuillet; il a joué des auteurs qui n’étaient pas éligibles au sénat, et, si ces auteurs n’ont pas rempli sa caisse, il ne s’est pas pour cela dégoûté d’eux ni de leurs contemporains; maintenant il pelote en attendant partie, et, au lieu de jouer de ces gros coups dont la perte réduit un directeur à se jeter aveuglément