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LA
RÉCONCILIATION DE M. DE BISMARCK
ET DU SAINT-SIÈGE

Ceux qui croient ou affectent de croire que M. de Bismarck s’est mis en route pour Canossa ne le connaissent guère ou parlent de lui bien légèrement; on peut affirmer sans crainte de se tromper que M. de Bismarck n’ira jamais à Canossa. Il a fait des expériences qui l’ont averti, éclairé, et les intérêts dont il a la garde ont toujours eu le pas sur ses préférences et ses partis-pris. Au surplus, il n’avait porté dans la lutte contre l’église aucune passion dogmatique ; il n’est pas homme à s’échauffer pour ou contre une doctrine, il n’est théologien que par occasion et, comme on l’a dit, pour le besoin de sa cause. Il n’a jamais fait, il ne fera jamais durant toute sa vie que de la politique. S’il se réconcilie avec l’église, c’est qu’après avoir consulté les étoiles, il les a trouvées favorables. Il a jugé que les circonstances et la situation générale de l’Europe devaient rendre le saint-siège plus traitable, le disposer aux accommodemens, et, selon toute apparence, les négociations qu’il a entamées pour rétablir la paix religieuse en Prusse rapporteront à sa politique, si elles viennent à aboutir, beaucoup plus de profit qu’elles ne coûteront de sacrifices à son orgueil. Quand apprendrons-nous à nous régler sur son exemple? Au lieu de nous instruire à son école, nous aimons mieux lui rendre beaucoup de bons offices, et trop souvent il trouve en nous des instrumens involontaires et inconsciens de ses desseins. Si aujourd’hui son génie, secondé de sa fortune, l’aide à sortir sans trop de peine du mauvais pas où il s’était