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dit-il, est une glorification de la puissance d’un travail opiniâtre en même temps que l’opiniâtreté du travail nous y révèle la supériorité du talent. Un de ses instructeurs, à West-Point, disait de son illustre élève qu’à l’école il n’abandonnait jamais une question sans l’avoir examinée sous toutes les faces. Tel on le voit quand il eut à conduire une armée. Un combat, pour lui, n’était pas, comme pour d’autres, une sorte de tremblement de terre ou de volcan en éruption, une mêlée confuse d’hommes intrépides et de chevaux fougueux, enveloppés des éclairs et de la fumée des canons. C’était la concentration d’une force contre une autre force, mathématiquement combinée, un calcul de lignes et de positions, de bataillons et de compagnies, de puissance de métal et de résistance. Il savait que les élémens de la victoire ne sont pas créés sur le champ de bataille, mais patiemment élaborés dans le calme des camps, par la perfection de l’organisation et par l’équipement complet des corps d’armée. Sa remarque à un capitaine d’artillerie occupé à inspecter une batterie mérite d’être rapportée, parce qu’elle montre comment il entendait la théorie de la victoire : « Tenez bien tout en ordre. Quelquefois la roue d’un affût décide du sort d’une victoire, » Aussi quand l’heure d’agir avait sonné, il s’était si exactement rendu compte de l’armement et des forces relatives de ses troupes, qu’il aurait pu dire à quelles attaques il leur était possible de résister et quels coups elles pouvaient porter à l’ennemi. »

Au congrès, Garfield rendit à l’armée tous les services qu’elle attendait de lui. En même temps, il continua à défendre avec le même dévoûment la cause « abolitioniste. » Ne pouvant reprendre ses fonctions au collège de Hiram et presque constamment retenu à Washington, il entra au barreau pour plaider principalement les causes constitutionnelles devant la cour suprême. Déjà précédemment il s’était occupé de l’étude du droit, et il avait été amené, en attaquant dans ses discours la révolte des états sudistes, à scruter à fond les questions qui touchent aux rapports des états entre eux et avec le pouvoir fédéral. On lui confia plusieurs causes très importantes qui lui firent un nom comme juriste en droit public. Son attitude dans les questions concernant le Sud était celle qui aurait inspiré ses actes durant sa présidence : maintien absolu et énergique de l’égalité pour les noirs, mais politique d’oubli et de réparation pour leurs anciens maîtres, définitivement vaincus. Voici ce qu’il dit à ce sujet dans un de ses plaidoyers : « Dans la plus effroyable tourmente qu’aient subie nos destinées, Dieu nous avait placés dans cette alternative : ou de perdre notre liberté, ou d’accorder l’émancipation à l’esclave. Dans cette détresse extrême, nous avons appelé à nous l’homme de couleur ; nous lui avons dit de nous aider à sauver la république, et, sous le feu de la mitraille,