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sont astreints à aucun travail corrompt plus qu’il ne corrige les individus traduits devant eux pour vagabondage, ne prononcent le plus souvent que des condamnations à huit ou quinze jours d’emprisonnement. A l’expiration de leur peine, les condamnés sont mis en liberté sans avoir appris aucun métier, sans avoir été forcés de se soumettre à la discipline du travail, sans même avoir été débarrassés des impuretés de leurs vêtemens sordides. En cet état, ils ne cherchent pas à travailler ou ne trouvent pas d’occupation, et ils sont presque fatalement repris par la police ou se font arrêter eux-mêmes, surtout à l’approche de l’hiver, pour jouir de l’hospitalité de la prison, où ils sont sûrs d’être chauffés et nourris sans être astreints au travail. » Ce témoignage, dont on ne saurait récuser l’autorité, explique qu’il y ait des vagabonds qui finissent par accumuler sur leur tête plus de quarante condamnations. Aussi le conseil supérieur des prisons (je parle de celui qui a été dissous), ému de cet état de choses, avait-il recommandé au ministre de l’intérieur l’examen d’un projet de loi d’après lequel les vagabonds, après leur condamnation, auraient continué d’être détenus dans des maisons de travail pendant un temps assez long pour leur apprendre un métier, leur faire contracter l’habitude du travail et leur permettre d’amasser un petit pécule. En un mot, ce projet étendait aux vagabonds l’application des mesures auxquelles sont soumis les mendians, mesures complétées pour les uns et pour les autres par la transportation facultative après un certain nombre de condamnations. Mais le nouveau conseil ayant pensé qu’il était plus urgent d’élaborer un règlement pour interdire aux aumôniers l’accès de la cellule des détenus, ce projet a été oublié, et il dort aujourd’hui dans les cartons du ministère de l’intérieur d’un sommeil qui, je l’espère, ne sera pas éternel.

La paresse est assurément l’une des principales causes du vagabondage. Rien n’est plus faux que l’histoire du vagabond telle que l’a chantée Béranger :

Aux artisans, dans mon jeune âge,
J’ai dit : « Qu’on m’apprenne un métier.
— Va, nous n’avons pas trop d’ouvrage, »
Répondaient-ils, va mendier.


On ne saurait cependant méconnaître que, surtout dans une grande ville comme Paris, le contingent du vagabondage ne se grossisse aussi de quelques-unes des victimes de la misère. Les uns ont été jetés dans la rue parce que, le chômage ayant épuisé leurs ressources, la porte du garni où ils s’étaient réfugiés s’est fermée devant eux; les autres parce qu’à leur sortie de l’hôpital, ils ont trouvé