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docteur Dumesnil, de lui adresser un rapport sur l’état des garnis de la capitale au point de vue de la salubrité, et voici en quels termes M. Dumesnil lui rendait compte de son inspection : « Nous avons constaté, disait-il, qu’un grand nombre des immeubles dans lesquels sont installés les garnis sont dans l’état le plus déplorable au point de vue de la salubrité. L’humidité y est constante, l’aération et l’éclairage insuffisans, la malpropreté sordide. Les logemens sont souvent incomplètement protégés contre les intempéries des saisons. Les cours et courettes sont infectées par des amoncellemens de détritus de toute nature en putréfaction et par la stagnation des eaux pluviales et ménagères qui y croupissent et s’y putréfient. » Comme type de ce genre d’habitations, le docteur Dumesnil a décrit un garni situé rue Sainte-Marguerite-Saint-Antoine, non loin de la barrière du Trône, où prenaient gîte autrefois les montreurs d’animaux sauvages qui se rendaient aux foires parisiennes. Aussi une des cours de ce garni, située en contre-bas de 2 mètres, a-t-elle conservé le nom de fosse aux lions. Seulement, là où l’on enfermait autrefois des bêtes sauvages, ce sont aujourd’hui des hommes qu’on loge, dans des taudis dont quelques-uns ne cubent que 7 ou même 5 mètres d’air. Voilà quel était, officiellement constaté, il y a trois ans, l’état des garnis de bas étage de la capitale.

C’est à la suite de ces constatations, que la préfecture de police a rendu, à la date du 7 mai 1878, une ordonnance qui avait pour but de réglementer l’organisation intérieure des garnis. La lecture de cette ordonnance est des plus édifiantes. Les chambres et les cabinets de toute maison livrée à la location doivent cuber au moins 14 mètres d’air par personne. Les plafonds, planchers et escaliers doivent être tenus dans un état de propreté minutieuse, l’eau doit être abondante à tous les étages, etc., enfin tout doit y être parfait, irréprochable. Mais quelle exécution cette ordonnance a-t-elle reçue ? Aucune, et je suis d’autant plus à mon aise pour le dire (sans craindre aucune contradiction) que personne n’est directement responsable de cette inexécution. La première mesure à prendre aurait été qu’une commission d’architectes fût chargée de procéder à l’inspection des 10,000 hôtels meublés existant dans la capitale et de prescrire dans chacun les mesures de salubrité nécessaires. Pour que cette commission fût instituée d’une façon efficace et durable, il aurait fallu qu’un crédit lui fût affecté. Aucune somme n’a été demandée, que je sache, et en tout cas votée. Or point d’argent, point d’architectes, et l’entreprise a croulé par la base. J’ajoute que si cette ordonnance avait été attaquée devant le conseil d’état par un des logeurs intéressés, elle n’aurait peut-être pas été confirmée, car il est douteux que les pouvoirs généraux confiés au préfet de police en matière d’hygiène lui donnent le droit d’intervenir