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Il faut avouer pourtant que l’imagination a joué son rôle dans ces généralisations grandioses, qu’elles dépassent peut-être la prudence scientifique, et qu’il ne faut point y accorder la foi que méritent les lois mathématiques de l’astronomie. Mais elles ont une si curieuse probabilité que l’esprit s’y abandonne avec plaisir. L’astronomie est une science complaisante; elle tente l’imagination parce qu’elle abonde en problèmes insolubles, et l’on se livre malgré soi aux séductions de l’hypothèse par les besoins qu’on a de contenter la curiosité.


IV.

Ce qui caractérise les comètes, c’est le panache, ce sont ces longues queues qui ont tant effrayé les anciens. On s’en fait généralement une idée fausse, on croit que ce sont des traînées de matière et qu’elles suivent le noyau comme le bois d’une flèche suit le fer. Il n’en est rien, les queues sont toujours opposées au soleil comme si elles le fuyaient; elles sont le produit évident de son action. Toujours dans le plan de l’orbite, toujours recourbées comme si elles éprouvaient une résistance à leur mouvement, on les voit droites quand elles sont de profil ; de face elles ressemblent à un sabre. Rarement elles sont simples, presque toujours elles s’épanouissent en plusieurs rameaux séparés par des lignes sombres. Celle que vit Cheseaux à Lausanne en avait six.

Quand les comètes passent loin du soleil, la queue est courte ; quand le noyau s’approche de la surface solaire jusqu’à s’y échauffer outre mesure, elle prend des dimensions extraordinaires, plus grandes encore autrefois qu’aujourd’hui, si les récits anciens ne sont point exagérés. Telle fut la comète de 1680, telle aussi celle de 1843, qui fut la plus remarquable. On la découvrit tout à coup dans une éclaircie après une longue période de pluie. Le noyau se voyait en plein jour, quoiqu’il fût déjà très près du soleil; elle marchait si vite qu’elle fit le tour du soleil en deux heures ; elle passa si près qu’elle traversa la chromosphère : elle y serait restée sans l’extrême vitesse qu’elle avait, et, pendant ce parcours, l’immense panache avait parcouru le ciel comme les rayons d’un éventail qui s’ouvre; il avait près de cent millions de lieues de longueur, c’est plus de deux fois la distance du soleil à la terre, et si celle-ci s’était trouvée dans sa route, elle eût été balayée. C’est un accident possible, que le monde redoute et que les savans désirent, par curiosité, et ils se croient en droit de ne pas le craindre.

La queue n’est, en effet, qu’un courant de vapeurs et de gaz dégagés par le soleil, se dilatant de plus en plus à mesure qu’il