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hauteurs du ciel, où se mêlaient, aux longues traînées des étoiles, les bandes lumineuses et phosphorescentes de bolides aussi gros et même plus gros que la lune. On revit la même pluie les années suivantes à la même date, mais son abondance diminuait visiblement; elle diminua pendant dix-sept ans, puis elle se reprit à augmenter pendant dix-sept autres années jusqu’en 1833, où elle retrouva toute sa splendeur. A Boston, M. Olmsted, ne pouvant les compter, évaluait les étoiles à la moitié des flocons qu’on voit dans l’air pendant une chute ordinaire de neige. Évidemment il y avait dans ce phénomène une périodicité. L’astronome Olbers la soupçonna le premier et en annonça le retour ; le professeur américain Newton précisa davantage et fixa l’époque d’un nouveau maximum au 15 novembre 1866. Il eut lieu à point nommé et fut tellement splendide que le nombre des traînées de feu dépassa 8,000 dans une seule nuit, dans la seule station de Greenwich. C’est donc un fait acquis, ces fleuves cosmiques n’ont pas toujours le même débit, ils sont gonflés tous les trente-trois ans, et la terre, qui s’y baigne tous les ans au 14 novembre, se couvre d’une pluie de feu à chaque période. Cela veut dire deux choses : d’abord qu’ils font le tour de leur orbite en trente-trois années, ensuite que ce sont des nébuleuses circulaires, composées de particules séparées, marchant à la file, dont les rangs se serrent et s’épaississent en un point qui est le noyau, lequel est précédé et suivi d’une queue annulaire : c’est déjà une analogie avec les comètes.

En voici une autre : M. Schiaparelli, à qui l’on doit ces spéculations hardies, démontre qu’une nébuleuse, si elle arrive au voisinage du soleil, doit se condenser, s’allonger, et former précisément l’un de ces anneaux que nous venons de décrire, gardant une plus grande densité à l’endroit où était le noyau. Celui du là novembre serait donc une ancienne nébuleuse amenée dans notre monde par les hasards de sa route, asservie au soleil et parcourant en trente-trois années une véritable route de comète. Cette route, M. Schiapparelli l’a fait connaître : c’est une ellipse dont la distance périhélie est un peu moindre que celle de la terre au soleil, dont l’inclinaison est de 17 degrés, le mouvement rétrograde et le nœud confondu avec la position que la terre occupe au 15 novembre. Ce n’est pas seulement une route de comète, c’est la route suivie par une comète véritable; parmi les parcelles qui constituent l’anneau, il y en a une plus importante que les autres, connue depuis longtemps, revue plusieurs fois : c’est la comète de Tempel; elle nage dans le grand fleuve, elle en suit le courant, elle en fait partie, elle a les mêmes élémens, la même inclinaison, le même périhélie, la même durée de révolution de trente-trois années et, chose bien remarquable, elle