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morceaux inégaux, séparés par un intervalle de 300,000 kilomètres. Ces morceaux avaient chacun l’apparence habituelle des comètes ; ils continuaient et continuèrent depuis à marcher de conserve. Tous deux revinrent en 1852 avec la même forme, avec des orbites presque égales, avec une différence de quinze jours dans la durée de leurs révolutions, avec une séparation de 2,500,000 kilomètres. Il est bien malencontreux que le mauvais temps ait empêché M. Valz de saisir le moment précis de la séparation. Quoi qu’il en soit, on s’habituait à la pensée de les voir s’écarter peu à peu et perdre le souvenir de leur commune origine, mais l’accident qui les avait séparés n’était que le commencement d’une plus profonde dissolution; on attendit en vain en novembre 1872; ils ne parurent point, mais à leur place on observa, le 27, un nombre prodigieux d’étoiles filantes, qui suivaient la route qu’eux-mêmes auraient dû prendre.

A Moncalieri, 400 étoiles furent comptées en une minute, 1,100 dans une heure, 160,000 pendant la nuit ; comme les mêmes apparences avaient couvert l’Europe, on évalua le nombre de ces étoiles à 50,000,000 dans un espace qui n’est pas la millième partie de l’orbite terrestre. Seraient-elles la monnaie des deux comètes jumelles? Nous voilà conduits à chercher quelles relations peuvent exister entre les comètes et les étoiles filantes.


III.

On sait quelle est l’explication des étoiles filantes : ce sont des particules de matière traversant l’atmosphère; elles y éprouvent une résistance progressive, qui transforme leur force vive en chaleur, et comme elles arrivent avec une vitesse immense, égale au moins à 25 kilomètres par seconde, il en résulte un échauffement capable de les fondre, de les volatiliser, de les enflammer ; de là le trait de feu qui raie le ciel, la lueur persistante des résidus de la combustion quand elles sont grosses, et la chute amortie des aérolithes quand ils n’ont point été dissipés en fumée dans les hauteurs.

En temps ordinaire, un observateur isolé compte à peu près trente étoiles filantes en une heure, mais il y a des nuits particulièrement riches en météores de ce genre, et ce sont toujours les mêmes nuits : nous citerons celles du 20 avril, du 12 août, du 14 novembre; on en compte jusqu’à 200 dans une heure. Or, comme la terre passe toujours au même endroit du ciel à ces dates, il faut qu’elle y rencontre des essaims ou amas de corpuscules cosmiques accumulés. Ils peuvent y être immobiles et l’attendre à son passage, ou bien faire partie d’un courant sans cesse renouvelé, d’un grand fleuve cosmique qu’elle traverse. Examinons cette question.