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approximative; on va comprendre pourquoi. Le périhélie de cette comète est à demi-distance entre le soleil et la terre; quand elle passe en ce point, elle marche avec une énorme vitesse ; après l’avoir atteint, elle s’éloigne progressivement, et dépasse l’une après l’autre les orbites des grandes planètes jusqu’à sortir des limites du système solaire. Or, d’après une des lois de Kepler, elle ralentit sa marche et finit, à son aphélie, par une vitesse comparable à celle de nos locomotives et même de nos voitures ordinaires. Qu’une planète se trouve alors dans son voisinage, elle est attirée, déplacée, déviée d’autant plus qu’elle reste plus longtemps soumise à cette action; la cause qui avait dessiné son mouvement d’ensemble l’en détourne, et la moindre déviation dans sa route, à cette énorme distance, exerce une influence perturbatrice considérable sur l’époque et le lieu de sa réapparition. Or, la comète ayant dû passer assez près de Jupiter, de Saturne et de Neptune, et chacune de ces énormes masses ayant successivement agi sur elle, le retour annoncé pour 1757 n’arrivait point, et l’inquiétude gagnait les astronomes. Clairaut se décida à recommencer les calculs et à tenir un compte rigoureux des attractions des planètes perturbatrices. C’était une entreprise ardue qu’il fallait se presser d’accomplir avant le retour imminent de la comète attendue. Aussi Clairaut réclama le concours de son collègue Lalande et obtint celui d’un troisième collaborateur, Mme Hortense Lepaute, femme d’un horloger célèbre, que son sexe n’éloignait pas de ces hautes spéculations. Les trois associés trouvèrent que la comète devait avoir 618 jours de retard, 100 par l’effet de Saturne, 518 par l’action de Jupiter et qu’elle devait regagner son périhélie vers le milieu d’avril 1759. Cette fois elle fut exacte; aperçue pour la première fois le 15 décembre 1758 par un paysan des environs de Dresde, elle atteignit le périhélie le 13 mars, 32 jours seulement avant l’époque calculée.

Ce fut un grand événement, le plus beau triomphe de l’astronomie et la plus éclatante confirmation des lois de l’attraction. Un mois de latitude sur soixante-quinze années n’est point une erreur de la théorie; dans des calculs aussi compliqués, on ne peut que supputer approximativement les actions attractives des planètes éloignées. On devait d’ailleurs aller plus loin dans la détermination du retour suivant; il devait survenir soixante-quinze années après, vers 1835. Les calculs furent faits séparément par quatre astronomes dont les noms suivent avec la date du passage prédit.

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De Pontécoulant 13 novembre.
Damoiseau 4 —
Lehmann 26 —
Rosenberger 12 —