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pontifical celles de toutes les puissances européennes. L’occasion était toute trouvée. Il ne dépendait que de notre futur allié de nous donner un gage manifeste de ses bonnes dispositions. Mais, loin de nous seconder, M. de Bismarck désavoua M. de Goltz, qui « pendant son absence, disait-il, sous l’inspiration de M. de Savigny, s’était étrangement trompé en contribuant à entretenir des espérances qu’il serait difficile de réaliser. » Il ne se souciait pas de nous tendre la perche, il avait au contraire le plus grand intérêt à détourner notre attention de l’Allemagne, à nous laisser aux prises avec le pape, qui nous reprochait de le livrer aux Italiens, et avec le cabinet de Florence, qui s’irritait des obstacles que nous opposions à ses revendications nationales.

Il manquait à la politique impériale une qualité essentielle, le « bon sens européen, » cette faculté précieuse qui permet aux hommes d’état de se rendre un compte exact des intérêts des autres pays et des nécessités qui en découlent pour leurs gouvernemens.

M. Benedetti recevait l’ordre d’attendre et d’observer. Le rôle d’observateur ne laissait pas que d’être pénible pour la diplomatie française. Elle assistait à la destruction de la vieille Allemagne ; elle regrettait le passé et appréhendait l’avenir ; ses correspondances étaient chagrines ; elle signalait chaque jour des infractions nouvelles au traité de Prague, elle rappelait au gouvernement de l’empereur qu’on armait aux portes de la France. « Les approvisionnemens elles munitions s’accumulent dans les places fortes, écrivait-on d’Allemagne, les travaux sont poussés dans les arsenaux avec une activité fébrile, les crédits sont dépassés, tout ce qui rentre au trésor passe aux dépenses militaires. On organise la landwehr dans les nouvelles provinces et on la réorganise dans les anciennes. Suivant les données les plus récentes, les forces totales de la Confédération du Nord sur le pied de guerre s’élèveront à huit cent quatre-vingt-douze mille hommes et, en y ajoutant les contingens du Midi, on obtiendrait un total de un million cent mille hommes et de vingt-quatre mille cent officiers, tandis que la France ne pourrait mettre sur pied de guerre que quatre cent seize mille hommes, tous les dépôts compris. J’ajouterai qu’on médite un nouveau plan de mobilisation, que déjà l’on dresse les listes el les tableaux relatifs aux réserves, à la landwehr et aux chevaux et qu’on se propose de les communiquer, dès qu’ils seront prêts, aux autorités qui participent au recrutement. On veut qu’en cas d’une mobilisation ordonnée par le roi, tout le monde soit prêt et que, du général en chef au sergent-major et du président de province au secrétaire d’arrondissement, personne n’ignore le concours qu’il aura à prêter pour que tous les rouages de l’armée entrent en mouvement dès que le mot de mobilisation sera prononcé. On espère qu’avec ce nouveau plan, l’armée entière pourra