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de 5 francs ne s’échangeraient plus aujourd’hui contre dix pièces de 20 francs.

Notre monnaie d’argent était reçue dans le monde entier, l’Orient et l’extrême Orient en ont absorbé pour plusieurs milliards de francs ; presque toutes ces vieilles pièces sont fondues depuis longtemps, mais on en retrouvera, j’allais presque dire on les retrouvera, pour nous les rendre au prix dont elles portent la marque.

Si rigoureuse et sévère que soit contre eux la loi, les faux-monnayeurs ont beau jeu : le lingot d’argent converti en monnaie acquiert une plus-value de 15 pour 100 ! Lorsque le faussaire devait pour réussir fabriquer une pièce différente par le titre, de même poids cependant que la véritable et d’apparence toute semblable, pouvant affronter les épreuves rapides que chacun connaît et sait faire, le problème était impossible, la solution toujours imparfaite ; la preuve suivait de près le plus léger soupçon. Un mécanicien médiocrement habile peut aujourd’hui, sur un point quelconque du globe, imiter la perfection des pièces d’argent frappées à la Monnaie de Paris sans que les experts sachent discerner, ni les essayeurs démontrer une différence qui n’existe pas.

Il faut éclaircir une objection : un honnête homme jamais ne fera sciemment circuler une pièce fausse ; quand il l’a reçue, il la garde, et la valeur en est perdue pour lui ; mais qui sera lésé lorsque des pièces de bon aloi, de bon poids et de bonne marque, circuleront sans éveiller ni soupçon, ni scrupule ? Quand les faux-monnayeurs, en fabriquant de la monnaie correcte, auront gagné 2 ou 3 millions, aucun Français peut-être n’aura perdu un centime, mais la hausse des prix les menacera tous. Si de tels profits ne nuisaient à personne, l’état en s’en emparant ne manquerait pas de les rendre légitimes ; le gouvernement, d’accord avec ses alliés monétaires, achèterait des lingots d’argent pour leur donner par le monnayage une plus-value inscrite au budget des recettes. Les législateurs américains l’ont fait, avec répugnance, il est vrai, avertis et retardés par le veto du président ; ils ont hésité, mais passé outre. Les États-Unis chaque année frappent 24 millions de dollars d’argent ; les banques du pays refusent de les accepter, et comme on n’ose pas, poussant le droit jusqu’à l’injustice, s’en servir pour payer les créanciers de l’état, ils s’entassent dans les caves du trésor, bientôt trop étroites. C’est accidentellement seulement pour les pièces de 5 francs, et pour une quantité strictement limitée de monnaie divisionnaire, que l’état en France a accepté, non cherché de tels gains ; la baisse de l’argent est un danger et la dépréciation de la monnaie blanche, qui peut en devenir la suite, produirait des embarras qu’il faut avant tout prévenir. Toute augmentation dans la quantité de monnaie