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SOUVENIRS LITTÉRAIRES



CINQUIÈME PARTIE[1].


IX. — LES DEUILS.

Lorsque je revins à Paris, dans le courant du mois de mars 1845, je me réinstallai près de ma grand’mère dans notre logement de la place de la Madeleine ; les motifs qui m’en avaient éloigné n’existaient plus ; j’eusse été dépaysé dans le monde des plaisirs où j’avais vécu, lors de ma vingtième année ; mes anciens camarades m’avaient oublié, et je savais que je ne les rechercherais pas. J’eus, du reste, de quoi m’occuper après mon retour, car je rapportais une fièvre typhoïde qui me retint au lit pendant près de deux mois. Le traitement qui me fut infligé est celui dont il est question dans la cérémonie du Malade imaginaire : je n’en mourus pas, et c’est tout ce que j’en puis dire. J’étais à peine en convalescence que je vis Louis de Cormenin partir pour l’Espagne en compagnie d’Adolphe Blanqui. Celui-ci avait eu une idée d’économiste dont le comique ne m’échappa point. Il emmenait avec lui plusieurs jeunes gens et, pour inspirer quelque respect à la patrie de don Quichotte, il les avait affublés d’un costume qui avait des prétentions militaires : tunique boutonnée, képi, pantalon étroit, le tout en drap gros bleu avec des passepoils bleu de ciel ; au cou, un col en crinoline ; c’était peu pratique pour aller dans un pays chaud ; les malheureux voyageurs ressemblaient à des gabelous ou à de vieux collégiens.

  1. Voyez la Revue du 1er  juin, du 1er  juillet, du 1er  août et du 1er  septembre.