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père repose à cette place « dans une urne de porphyre. » Quant à l’inscription qui accompagne le cœur et l’urne, je n’ai pas nié, ce me semble, qu’elle fût extraite de l’Histoire d’Italie de Botta; je me suis borné à remarquer, ce qui est la pure vérité, qu’elle était très sévère, ou plutôt très blessante pour la démocratie, qu’on ne s’attendait guère à voir injurier dans le lieu où a été prononcée pour la première fois la plus démocratique des prières, l’invocation de tous les fidèles, petits et grands, au Père commun qui est dans les cieux.

J’avoue encore que j’ai eu tort de dire que l’inscription du tombeau de Mme la princesse de La Tour d’Auvergne était placée au-dessus de la statue, puisqu’elle est bien réellement au-dessous. Dessus ou dessous, il n’importe guère ! Il ne me semble pas non plus de grande importance de savoir si cette inscription, dont j’ai rapporté fidèlement la conclusion, est l’œuvre de notre ancien consul à Jérusalem, M. de Barrère. Elle n’est pas signée, comme la précédente, et avec toute l’attention du monde, je ne pouvais en deviner l’auteur. Je pouvais constater seulement qu’elle était très flatteuse pour Mme la princesse de La Tour d’Auvergne, et que, figurant dans un monument que celle-ci a élevé, il était permis de penser sans trop de présomption qu’elle n’avait point porté ombrage à sa modestie.

Pour achever de passer condamnation sur mes erreurs, je veux bien reconnaître que la statue de Mme la princesse de La Tour d’Auvergne a été commandée par l’empereur Napoléon III; mais il me paraît difficile de croire que ce n’est pas Mme la princesse de La Tour d’Auvergne qui a eu l’idée de se faire ériger un tombeau dans le sanctuaire du Pater. Offre-t-on spontanément un sarcophage et une statue mortuaire à une femme, même pour lui marquer de la bienveillance et de la considération? Quoi qu’il en soit d’ailleurs, il n’est que trop vrai que la statue de Mme La Tour d’Auvergne a été l’objet d’une très mauvaise plaisanterie, et avec quelque instrument qu’on lui ait enlevé le bout du nez, je ne puis que répéter combien cette mutilation est inexplicable.

En racontant plaisamment ces détails plaisans, je ne croyais ni dénaturer les faits ni surtout blesser la susceptibilité de Mme la princesse de La Tour d’Auvergne. Je regrette qu’elle m’ait jugé avec autant de sévérité que le maladroit qui a limé sa statue. J’ai rendu pleine justice à sa hardiesse et à son initiative, et si j’ai relevé le petit accident arrivé à son tombeau, en dépit des inscriptions qui auraient dû en éloigner les profanes et les démocrates, c’est que j’étais loin d’imaginer que ce léger affront fait à son visage lui parût atteindre « l’honorabilité de son caractère. »

Agréez, etc.


GABRIEL CHARMES.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.