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de fantaisies, qu’il n’aime ni la mesure ni l’indépendance, et que ceux qu’il préfère ne sont pas toujours les plus modérés ou les plus éclairés ; il est assez souvent la dupe de lui-même et de ceux qui bavent le flatter ; sans être porté à la violence, il vote quelquefois pour les violens, et ses injustices sont aussi inexplicables que ses faveurs. Pourquoi, entre autres victimes des dernières élections, a-t-il exclu de la chambre nouvelle des hommes comme M. Étienne Lamy, comme M. Bardoux ? M. Lamy est cependant un républicain avéré. Le jeune député qui a longtemps représenté Saint-Claude a de plus montré un esprit ferme autant qu’instruit, une parole nette et habile, un talent élevé dans des discussions de plus d’un genre. Il était un des plus brillans dans la nouvelle génération parlementaire. Oui, sans doute, tout cela peut être vrai, mais il paraît qu’aux yeux d’une certaine classe de républicains de Saint-Claude et même d’ailleurs, M. Étienne Lamy a d’assez grands crimes sur la conscience. Il a été contre l’article 7, contre les décrets du 29 mars, contre la politique qui a refusait hier aux moines la qualité de citoyen rendue en même temps aux incendiaires et aux assassins de la commune. » Il a la naïveté de penser encore aujourd’hui, comme il pensait à l’époque où il a été élu pour la première fois, que « la république ne doit servir les passions de personne et doit consacrer le droit de tous. » Vaincu au 21 août, M. Étienne Lamy n’a pas voulu prolonger l’épreuve jusqu’au ballottage du 4 septembre. Il s’est retiré avec le sentiment que, dans les luttes soutenues pour la justice, la défaite a des espérances certaines, que les isolés de la veille sont les précurseurs du lendemain. Voilà certes une grande victoire pour la république ! M. Bardoux, lui aussi, reste un des vaincus du scrutin, il n’a pas été plus heureux que M. Lamy, et, par une coïncidence singulière, il a échoué devant un radical obscur au moment même où il montrait son talent dans le livre sur le Comte de Montlosier et le Gallicanisme, dont les pages les plus saillantes ont paru dans cette Revue. Mais aussi quelle idée a eue M. Bardoux d’écrire un livre, de montrer les qualités d’un esprit cultivé et distingué, de rester fidèle au libéralisme intelligent dont il s’est toujours inspiré dans les assemblées ? Ce qui est certain, c’est que des hommes comme M. Bardoux, M. Lamy, sont faits pour le parlement, qu’ils pourraient être singulièrement utiles, surtout dans un moment où la politique de la France est tout entière en jeu, où s’agitent tant de questions sur lesquelles la chambre nouvelle aura nécessairement à se prononcer.

Ce ne sont point en effet les affaires qui manquent ou qui vont manquer, affaires intérieures, affaires militaires ou diplomatiques et, entre toutes, la plus compliquée, la plus délicate est certes cette question de paix ou de guerre qui ne cesse de s’agiter en Afrique, dans la Tunisie comme dans les provinces algériennes. Que se passe-t-il réellement sur ces rives africaines de la Méditerranée Le fait est qu’on ne sait pas