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LA
QUESTION MONÉTAIRE

Il faut le moins qu’on peut toucher aux vieilles choses. Une maison est commode, on y vit sans inquiétude; une réparation cependant parait utile, les ouvriers la déclarent urgente. Leurs travaux chaque jour révèlent un inconvénient nouveau; la charpente est vermoulue, les murs lézardés, les fondations ruinées; on hésite, on prend conseil; les ingénieurs et les architectes ne sont d’accord que sur un point : il faut faire de grands travaux et les payer. Le mal était latent, le premier coup de pioche l’a révélé, et le propriétaire se demande avec regret s’il n’aurait pas pu ignorer tant d’embarras et les léguer à ses héritiers.

Pareille chose arrive, ou peu s’en faut, avec le système monétaire des nations modernes. Tout allait bien; ceux qui trouvaient l’argent rare n’en accusaient pas l’abondance de l’or, le prix du change avait sa place dans le budget des voyageurs, les négocians en tenaient compte dans des calculs familiers au moindre commis, les conventions se faisaient en conséquence, et personne ne se plaignait. Une réforme tout à coup est demandée; urgente, suivant les uns, elle est, suivant les autres, inutile et périlleuse. L’abondance de l’or californien et australien, succédant au développement des exploitations de l’Oural, a d’abord donné l’alarme; une première commission proposa sagement d’attendre, une seconde lui succéda, puis une troisième, et dans tous les pays de l’Europe on a, sans rien résoudre, continué depuis vingt ans à enquérir et à débattre. Une opinion souvent approuvée par une majorité qui ne s’accroît pas, mais énergiquement repoussée par des adversaires convaincus, est la nécessité d’un étalon unique. Quelques nations ont la seule