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les camphriers jusqu’auprès de Danzig. Quant aux régions arctiques, nous savons à n’en pouvoir douter qu’elles ne sont pas encore, à cette époque, ensevelies sous la neige. De vastes et puissantes forêts les recouvrent jusqu’aux approches du pôle et, par analogie, on est assuré qu’elles s’avançaient jusqu’à ce point, si toutefois la terre ferme s’y rencontrait. Seulement, soyons attentifs à ces indices, nous sommes déjà loin de l’égalité climatérique absolue des époques antérieures au tertiaire. Les palmiers s’arrêtent bien en deçà du cercle polaire et paraissent du reste ne l’avoir jamais atteint. A l’intérieur, dans toute l’étendue des terres arctiques, les arbres à feuilles persistantes sont déjà rares; la plupart des laurinées sont absentes. Ce sont des érables, des platanes, des hêtres, des bouleaux, des ormes, des tilleuls, des chênes à feuilles caduques, qui dominent sur tous les points. Une différence existe certainement relativement à l’Europe contemporaine; l’abaissement de la température hibernale est marqué, bien qu’elle ne soit pas encore très sensible. La zone polaire d’alors est aussi tempérée que la zone tempérée actuelle. Il y gèle sans doute : la prépondérance des essences à feuilles caduques doit le faire admettre ; mais ce sont des froids égaux à peine à ceux du Paris de nos jours. Peut-être déjà les montagnes, au moins les chaînes les plus hautes, sont couvertes de neiges toute l’année; peut-être certains glaciers commencent à se former et à descendre des sommets vers les vallées inférieures; mais enfin rien dans l’aspect du pays ne ressemble à ce qu’il est devenu; la vie est partout et, circonstance à ne pas passer sous silence, nous retrouvons sur ce sol, aujourd’hui glacé, la plupart des arbres forestiers qui, descendus plus tard vers le sud, viendront peupler l’hémisphère boréal. Depuis lors, en effet, ces arbres ne cessèrent de s’étendre à la faveur du refroidissement et, exclus de l’extrême Nord, ils occupèrent dans notre zone la place jusque-là réservée aux arbres des pays tout à fait chauds.

Le refroidissement polaire est maintenant inauguré; il ne s’arrêtera plus, il fera sans cesse de nouveaux progrès; il a suffi, pour amener ce résultat, remarquons-le, que l’abaissement ait été un jour assez prononcé pour couronner de neiges permanentes les cimes les plus élevées de la région arctique et que ces neiges, à leur tour, aient engendré des glaciers. Ces glaciers une fois établis, par suite des lois que nous avons posées et à la seule condition que l’humidité n’ait pas fait défaut, n’ont cessé de s’accroître. On peut dire d’eux comme de la Renommée :

………. vires acquirit eundo.


L’expression s’applique littéralement à la marche d’un glacier alimente