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Les fragmens de la grande chronique des temps quaternaires sont épars, il s’agit de les recueillir un à un avec un soin jaloux, et de les rapprocher pour faire en sorte de reconstituer tout l’ensemble.


III.

L’Europe n’est arrivée que par degrés, lentement et insensiblement, à la période que caractérise l’extension des glaciers. C’est une vérité mise en lumière par une foule de faits anciens et sur laquelle il nous faut bien insister, puisque d’autres s’obstinent à voir dans cette extension les effets d’une brusque révolution, soit tellurique, soit cosmique, ou encore amenée par un déplacement ou des glissemens polaires, par une perturbation de l’axe de rotation terrestre, ou bien enfin causée par des variations périodiques de l’excentricité de l’orbite. — Comme nous ne saurions attribuer l’extension des glaciers quaternaires à aucune de ces causes et qu’elle représente plutôt à nos yeux l’épisode dernier d’un abaissement continu du climat allant toujours en se dégradant dans le sens des latitudes, perdant de période en période quelque chose de son élévation première, il nous faut bien donner des preuves de ce mouvement de décroissance que notre Europe a vu se dérouler durant des myriades de siècles sans que rien l’ait jamais arrêté, mais aussi sans que les êtres contemporains, — en les supposant intelligens, — aient jamais eu la possibilité de s’en apercevoir. C’était en effet une progression accompagnée peut-être de retours partiels et de points d’arrêt momentanés, dépendant en soi d’une cause universelle pour notre globe, mais aidée ou contrariée par la configuration relative des terres et des mers, par la distribution et la direction des vents et des courans. Il est aisé, en observant ce qui se passe sous nos yeux, de juger combien est grande cette dernière influence pour avancer ou reculer dans une région déterminée les lignes « isothermiques, » autrement dit les lignes régulatrices de la température de chaque pays.

Dans cette esquisse nécessairement très rapide nous suivrons l’exemple de MM. Faisan et Chantre en nous renfermant dans la vallée du Rhône, bassin parfaitement naturel qui a l’avantage de nous fournir une série de documens échelonnés recueillis dans les mêmes lieux et démontrant l’enchaînement des phénomènes successifs. Les indices sur lesquels nous insisterons seront tirés du règne végétal, celui qui atteste avec le plus de fidélité la nature du climat par l’assurance que nous avons de l’aptitude des plantes à nous en traduire les variations. La présence caractéristique de certains