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— De Foix savoit bien, madame, répliqua Smith, que jamais la reine n’accorderoit la messe, et maintenant, madame, vous réclamez la grand’messe, tout le cérémonial romain, et les quatre mendians et les mille diables. — Mais votre reine ne pourroit-elle pas, reprit une dernière fois Catherine, solliciter l’assentiment du parlement ? — C’est impossible, » s’écria Smith, et sur ce il se retira.

Le lendemain, Smith vit l’évêque de Limoges et l’évêque d’Orléans ; tous deux lui offrirent de mettre par écrit les conditions exigées. — « J’aimerois mieux mourir, leur dit-il, que de les envoyer à ma souveraine. » En effet, lorsqu’il transmit à Elisabeth son dernier entretien avec Catherine, elle en fut profondément blessée. Jusqu’ici elle s’était habituée à se jouer de tous ses prétendans princiers, dont les demandes réitérées satisfaisaient sa vanité ; mais être refusée à son tour, son orgueil se révoltait contre l’affront d’un pareil dédain. — « On n’est pas content, écrivait Cecil à Walsingham, de l’affaire du duc d’Anjou. Il est certain que, comme on n’a pas bien agi ici en le tirant en longueur, ce qui s’est fait par politique, aussi n’a-t-on pas agi de delà en ami. Je ne dis pas ce que je pense du mécontentement de Sa Majesté sur un sujet qu’il faut dissimuler, aujourd’hui que l’amitié est si nécessaire. »

La rupture du mariage du duc d’Anjou était donc un fait accompli. Catherine visait plus haut et plus loin ; au lieu d’une couronne, elle en ambitionnait deux pour ses deux derniers fils : celle de Pologne pour le duc d’Anjou et celle d’Angleterre pour le duc d’Alençon ; elle tenait en réserve cet imberbe prétendant, et, mettant à profit la nécessité de situation qui imposait à l’Angleterre une alliance avec la France, elle attendait l’heure de le proposer à Elisabeth.


HECTOR DE LA FERRIERE.