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difficulté tenait à la religion. Le duc y était si attaché, qu’il se croirait damné s’il ne la pratiquait pas. « Cette question tranchée, répondit Smith, serait-ce tout ? — Il y en a bien quelques autres concernant r honneur et la dignité du duc, reprit Catherine, mais celle-là est la principale. » Smith répliqua que le plus honorable motif de rupture, et pour la reine et pour le duc, serait la religion. « Nous ne voulons pas rompre, s’écria Catherine, je n’ai jamais rien tant désiré, mais je n’ai aucun empire sur mon fils, tant sa tête est troublée par l’idée de n’avoir pas la pratique de mon culte. » Après avoir échangé quelques banales protestations sur le désir réciproque d’arriver à un accord, Smith finit par demander à Catherine ce que le duc exigeait en fait de religion, car l’exercice secret lui en avait déjà été concédé, sauf quelques parties de la messe qui ne concordaient pas avec la parole de Dieu. Catherine répondit que son fils avait été élevé en catholique et que, s’il n’entendait pas la messe, il se croirait damné. « Mais, ne pourroit-il pas, pour quelque temps, reprit Smith, et pour éviter tout scandale, se contenter d’entendre la messe dans un oratoire ou une chapelle particulière ? — Il est devenu si dévot, reprit Catherine, qu’il entend deux ou trois messes par jour, et il observe si scrupuleusement les jeûnes, qu’il en est amaigri et tout pâle ; c’est à ce point que j’aimerois mieux qu’il se fît huguenot que de le voir ainsi compromettre sa santé. Il ne se contentera pas d’une messe basse, il veut la grand’messe avec toutes les cérémonies de l’église catholique et une chapelle ou église avec tous les prêtres attitrés, et le cérémonial à la romaine. — Pourquoi, s’écria vivement Smith, ne demande-t-il pas les quatre ordres de frères, les canons, les pèlerinages, les reliques et autres momeries ? — Mais c’est ce qu’a demande Paul de Foix, » répondit Catherine. Smith objecta les troubles inévitables qui s’ensuivraient : « Mettez-vous, madame, à la place de la reine, lui dit-il ; que feriez-vous ? — J’avoue, répondit-elle, que je serois en grand’peine. » Smith rappela alors les dangers que venait de faire courir à la reine la conspiration de Norfolk, qui s’était mis d’accord avec les catholiques d’Angleterre et avec le duc d’Albe. À ce nom, Catherine l’arrêta pour lui dire qu’elle savait par des agens sûrs en Espagne que le duc avait envoyé deux Italiens en Angleterre pour tuer la reine et qu’elle avait chargé La Mothe de l’en prévenir. Prenant à son tour la parole : « C’est dans leurs habitudes, dit Killegrew ; le capitaine Colburn, en revenant d’Espagne, ne vous avoit-il pas dit, madame, que la reine Elisabeth votre fille étoit perdue ? » Au moment de se retirer, Smith demanda une dernière fois à Catherine quelles étaient les conditions du duc : « Toutes celles qu’a demandées de Foix, répondit-elle.