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rapport, personne ne pourrait être plus agréable que M. de Foix. Catherine en convint et promit de l’envoyer, mais un peu plus tard. Elle voulait auparavant faire sonder le terrain par Cavalcanti, un neutre, comme elle l’appelle, bien vu d’Elisabeth et lié avec ses principaux conseillers. Elle se décida à le faire repartir pour Londres ; mais elle lui enjoignit de s’en tenir à des communications verbales, et de ne remettre aucune note écrite dont Elisabeth pourrait se servir et s’armer plus tard.

Le départ de Cavalcanti ayant été officiellement annoncé, un guide vint l’attendre à Douvres et, le 11 avril, jour de son arrivée, le conduisit tout droit à l’hôtel de Cecil, où Elisabeth se rendit de son côté. Rien ne transpira de ce premier entretien. Cavalcanti ne s’en ouvrit même pas à La Mothe-Fénelon, qui le lendemain alla seul trouver Elisabeth et, au nom de Catherine, lui proposa le duc d’Anjou, ce prince « professant pour elle de longue date une grande admiration et une sincère affection. » Elisabeth répondit que le cardinal de Châtillon lui en avait parlé le premier, que tout récemment Téligny lui en avait écrit, et qu’à la suite du favorable rapport de lord Buckurst, elle s’en était expliquée plus ouvertement par l’entremise de Walsingham. Du moment qu’une demande officielle lui était faite, on n’aurait pas à se plaindre de sa lenteur ; elle n’avait refusé Philippe II que par conscience ; elle n’avait pris que huit jours pour sa réponse aux deux rois de Suède et de Danemark ; en vérité, elle ne pouvait être accusée de longueur que vis-à-vis de l’archiduc Charles, mais cela tenait aux troubles qui, à cette époque, agitaient l’Europe. Elle promit le secret ; puis, venant à aborder la question de la religion, elle rappela qu’elle en avait toujours refusé l’exercice à l’archiduc, et pria La Mothe-Fénelon d’être le moins exigeant possible. La Mothe répondit que déjà bien des mariages avaient eu lieu entre personnes de culte différent, que l’on avait toujours cherché à respecter la conscience des deux époux. — Elle répliqua qu’elle avait été sacrée et couronnée par un évêque catholique, sans toutefois avoir assisté à la messe ; qu’il lui serait pénible de voir le duc abandonner sa religion, car s’il délaissait Dieu, il ne tarderait pas à la délaisser elle-même. Sur ces dernières paroles, elle lui donna congé, l’invitant à voir Cecil et Leicester, auxquels elle avait remis les articles du projet de mariage rapportés de France par Buckurst. Les articles sur lesquels la discussion allait s’engager étaient au nombre de huit. — Le mariage serait célébré suivant les cérémonies de l’église catholique. — Le duc en aurait pour lui et ses domestiques le libre exercice. — Le mariage fait, il prendrait le titre de roi et administrerait conjointement avec la reine. — Il serait couronné. — Il prélèverait chaque année 60 mille livres sur les revenus