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tacher à notre système défensif. Richelieu se le réserve dans le traité qu’en 1635 il signe avec la Hollande ; Mazarin en poursuit la conquête après la bataille de Rocroi et le réclame, à défaut du Roussillon, dans les négociations de Lyonne avec la cour de Madrid. En 1739, lors de la paix de Belgrade, le cardinal de Fleury essaie de se l’assurer comme prix de sa médiation et comme garantie des sommes qu’il a avancées à l’empereur Charles VI[1]. Le grand-duché figure de nouveau dans le traité d’alliance que Bernis conclut avec l’Autriche, et il reparaît en 1785 dans les pourparlers de Joseph II avec le cabinet de Versailles au sujet de la Bavière[2].

En 1797, le traité de Campo-Formio devait, pour bien peu d’années, il est vrai, réaliser le rêve de notre vieille diplomatie : le Luxembourg devenait un front d’attaque contre l’Allemagne. Mais en 1815, le congrès de Vienne en donnait un morceau à la Prusse et, par des liens artificiels, rattachait le reste à la Confédération germanique sous la souveraineté nominale du roi des Pays-Bas. Il retournait l’œuvre de Vauban contre la France, en faisait un boulevard de la sainte-alliance et, en la reliant au système défensif de l’Allemagne, il en confiait la défense à la Prusse.

Il suffit de la secousse de 1830 pour disjoindre cet échafaudage artificiel ; le Luxembourg se souleva contre la Hollande et se réunit spontanément à la Belgique[3]. Si le gouvernement naissant de Louis-Philippe, dans la crainte d’une guerre européenne, eut la sagesse de ne pas céder aux entraînemens de la révolution belge et de décliner la couronne offerte au duc de Nemours, sa diplomatie voulut du moins retirer un avantage effectif des événemens qui s’étaient passés à notre porte, sous notre inspiration, et avec notre appui. Le prince de Talleyrand se mit à l’œuvre. Ce fut sa dernière campagne diplomatique ; elle n’aurait rien ajouté à sa gloire, s’il

  1. « L’empereur d’Allemagne, écrivait, à la veille de la paix de Belgrade, le prince royal de Prusse qui devint plus tard Frédéric le Grand, en reconnaissance de ses services, ne peut faire moins que de céder à Louis XV ses droits sur le Luxembourg. Ce duché, selon toute apparence, doit être une des premières acquisitions qui suivront la Lorraine. »
  2. Joseph II se proposait de prendre la Bavière, dont le souverain eût été transporté dans les Pays-Bas. « Le césar Joseph, écrivait Frédéric, réserve le Luxembourg à la France pour la gagner à ses vues. » (Lettre au ministre Finkenstein, février 1785.)
  3. L’union fut de courte durée. Le traité qui intervint après le siège d’Anvers, appelé le traité des 24 articles, opérait un nouveau partage tellement contraire à la volonté des populations qu’il resta lettre morte jusqu’en 1839. À ce moment, la Prusse et l’Autriche réclamèrent l’exécution de la convention avec une telle insistance que le roi Léopold dut restituer la part dévolue au roi des Pays-Bas. Il ne s’exécuta qu’à la dernière extrémité ; il alla même, bien qu’il ne fût pas prodigue, jusqu’à offrir de la racheter moyennant une indemnité de 60 millions immédiatement exigibles.