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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La crise monétaire a éclaté plus tôt qu’on ne l’avait prévu et avec une intensité qui a causé quelque surprise. On s’attendait à voir s’ouvrir en octobre ou au plus tôt dans la seconde quinzaine de septembre une période de cherté d’argent, mais on ne comptait pas que l’escompte serait à 4 pour 100 à Londres et à Paris avant la fin du mois d’août. De là l’effarement auquel s’est abandonné le marché aussitôt qu’il a vu ses prévisions si promptement démenties par l’événement.

Il y a quinze jours à peine, les journaux financiers hebdomadaires en Angleterre étaient d’avis que le drainage d’automne pour les États-Unis commencerait tard et ne porterait que sur des sommes relativement peu importantes. Une semaine après que ces prédictions étaient lancées, l’argent subissait un resserrement soudain à New-York, la réserve des banques associées tombait au-dessous du minimum légal, le change américain sur Londres descendait à 4.79 3/4 et l’on enlevait 25 millions de francs à la Banque d’Angleterre pour les États-Unis. Ainsi tous les calculs étaient bouleversés. On avait beau établir que l’Europe avait expédié 900 millions d’or au-delà de l’Atlantique en deux ans et demi, il était trop clair que les besoins de numéraire n’étaient encore nullement satisfaits dans cette immense agglomération sociale qui compte actuellement 50 millions d’habitans, qui inonde l’Europe de ses produits, tout en ne lui prenant que fort peu de marchandises en échange, et qui, soumise au régime du cours forcé depuis la guerre civile, n’a commencé qu’il y a quelques années à se constituer une circulation métallique.

L’effet a été immédiat. Le marché monétaire, qui avait supporté sans difficulté des retraits d’or s’élevant à 60 millions de francs pour le gouvernement italien parce qu’on sait à quelle limite s’arrêteront les demandes ayant cette destination, a été profondément troublé parce qu’il a été pris environ 25 millions de francs en quinze jours pour les États-Unis. C’est qu’il est impossible de prévoir quelles seront les exigences américaines, et comment il sera possible de protéger les encaisses métalliques du vieux monde contre les assauts qui vont leur être livrés.

La Banque d’Angleterre n’a donc pas hésité à élever le taux de l’escompte officiel de 2 1/2 à 3 pour 100, puis presque immédiatement de 3 à 4 pour 100. Les directeurs de la Banque de France ont adopté une