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de la revendication pacifique, de la puissance du droit, de ce qu’il a appelé un jour avec tout autant d’à-propos la « justice immanente. » Que n’a-t-il mis aussi dans son programme le congrès de la paix, la paix perpétuelle, les États-Unis d’Europe ? Il est certain que ces philanthropiques inventions auraient fait une honnête figure à côté de la « puissance du droit, » de la « justice immanente, » et, pour ne rien dire de plus, on conviendra bien qu’il vaudrait autant garder un respectueux silence sur des questions poignantes qu’il n’est pas permis de traiter avec de banales déclamations.

Autre partie du programme. M. Gambetta, plus à l’aise dans la politique intérieure, a ses idées de réformateur sur un certain nombre de questions livrées aux polémiques du jour, et avant tout il se prononce pour la révision de la constitution. Cette révision, il ne la voulait pas il y a deux mois à Cahors, il l’a voulue plus tard à Tours, il l’a promise à Belleville : il l’inscrit désormais en tête de son programme, et comment l’entend-il ? Comment se propose-t-il de réaliser la révision ? C’est là justement que se laisse voir une des faiblesses de cet esprit plus remuant que réfléchi, incohérent, prompt à toucher à tout sans choix et sans maturité. M. Gambetta réunit deux idées qui s’excluent : il veut tout à la fois fortifier le sénat dans son origine, dans sa constitution, et le réduire dans ses attributions. A un sénat renouvelé par un mode d’élection plus, populaire il prétend ne laisser qu’un rôle amoindri, des droits diminués. C’est une contradiction, — et au fond tout cela est pour déguiser ou préparer tout bonnement un acte de représaille, une vengeance de parti, pour arriver à un coup de tactique tendant à exclure quelques sénateurs inamovibles élus dans ces dernières années ! — Poursuivons encore. La magistrature, bien entendu, n’échappe pas à M. Gambetta, et ce qu’on voit de plus clair dans le programme, c’est que l’orateur de Belleville veut créer d’abord, cela va sans dire, une magistrature dévouée qui ne gêne pas le gouvernement, puis supprimer bon nombre de cours et de tribunaux, réduire le personnel, mieux rétribuer les magistrats qui resteront, enfin simplifier l’organisation de la justice, — en y mettant la confusion ! Ces prétendus projets de réforme de la magistrature se composent malheureusement de beaucoup de banalités, de bon nombre de déclamations contre les magistrats et de quelques idées peu réalisables. Dans les affaires religieuses M. Gambetta a ses opinions, ses propositions qui ne sont pas moins caractéristiques. La séparation de l’église et de l’état, ce n’est pas là ce qui l’occupe pour le moment. Il juge plus politique de maintenir provisoirement le budget des cultes et le concordat ; mais ce budget, il ne se défend pas de le réduire, il ouvre complaisamment la carrière à tous ceux qui voudront supprimer des crédits affectés jusqu’ici aux séminaires ou aux évêques. Le concordat, il ne cache pas qu’il entend en faire « un moyen de gouvernement du