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passions des démagogues les propriétés ecclésiastiques : on lui a répondu en étouffant sa voix, en lui opposant les concurrens les plus vulgaires, et on a fini par lui marchander une élection. M. Gambetta assure aujourd’hui que Belleville a ratifié sa politique en dépit des « criailleries furibondes des démagogues et des sarcasmes démodés de la réaction, » que cela lui suffit : il se contente vraiment de peu ! Il n’est pas difficile sur l’importance des ratifications, sur le chiffre des majorités. M. Gambetta a beau faire, il n’est plus qu’un bourgeois dans ces régions. Il a beau parler le langage du radicalisme, promettre une politique de réformes républicaines, — il ne promet pas assez, il n’est plus assez avancé pour Belleville ; mais en même temps il est bien clair que par ses déclamations, par l’excès de ses concessions, il réveille toutes les défiances de ceux qui veulent pour la république une direction prévoyante, un gouvernement sensé. En cherchant à Belleville une popularité qui lui échappe, il perd son crédit dans les classes régulières, et c’est ainsi qu’avec toute sa stratégie, il finit par ne satisfaire ni les uns ni les autres, par se retrouver dans un certain isolement, tout au moins dans cette situation équivoque, excentrique, où il est réduit à se débattre avec une autorité singulièrement diminuée. M. Gambetta a sans doute assez de ressources et d’importance pour ne pas se perdre dans une échauffourée électorale, pour reconquérir bientôt son ascendant et reprendre son rôle de chef de parti dans le parlement. Il y réussira, c’est possible. Il n’a pas moins fait une campagne assez malheureuse pour un homme qui, selon les circonstances, peut être appelé au ministère, et sa faiblesse est de rester avec ces programmes qui ne représentent qu’une politique d’agitation indéfinie, qui sont comme une image expressive de la position confuse et contradictoire qu’il s’est créée.

Que disent-ils donc ces programmes qui ont passé par Belleville, qui survivent aux élections et dont on semble vouloir faire le résumé, le symbole de la politique destinée à discipliner une majorité républicaine, à fonder le gouvernement républicain ? M. Gambetta, nous le savons bien, a pour l’usage de ses amis tout un ensemble d’idées et de projets de réformes, depuis la révision de la constitution jusqu’à la réorganisation de la magistrature, depuis la rectification de notre diplomatie jusqu’au remaniement du système d’impôts, — et dans tout cela, ce qui frappe en vérité, c’est le vague, l’incohérence, la prétention vaine. M. Gambetta a sa politique extérieure à proposer à la France, et c’est bien le moins qu’un homme d’état, un chef de parti aspirant au gouvernement, ait réfléchi sur d’aussi graves questions. Il aurait pu sans doute se dispenser de parler de certains sujets délicats, de l’Alsace et de la Lorraine ; il a préféré ne rien omettre, et qu’a-t-il à proposer pour la réintégration des provinces perdues dans la patrie française ? C’est bien simple. M. le président de l’ancienne chambre parle éloquemment