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pour endoctriner la population. Rien n’ayant été obtenu dans une première assemblée, on convoqua de nouveau les habitans de toute origine. Du tabac et des pipes étaient offerts aux insulaires pour les mettre en belle humeur; on s’efforçait de persuader les Européens qu’ils tireraient grand avantage du traité. Les aborigènes, ou, comme il convient maintenant de les appeler, les Maoris, n’imaginaient point aliéner leurs droits sur le sol et pensaient au contraire qu’ils étaient garantis. Qu’importe si le capitaine Hobson rencontra jusqu’à la fin la plus sérieuse opposition, il avait arraché des signatures, et le gouvernement britannique ne pouvait manquer de tenir comme parfaitement valable l’acte que l’on désigne, d’après l’endroit où il fut signé, sous le nom de traité de Waïtangi.

Le capitaine Wilkes voulut plusieurs fois entretenir Pomaré, le chef de Kororarika, afin de connaître ses impressions relativement au traité. Le malheureux s’imaginait n’avoir rien perdu de son autorité; dans la conversation, il en revenait tout de suite à parler de la belle figure qu’il ferait avec l’uniforme écarlate à grosses épaulettes que la reine Victoria se proposait de lui envoyer. Sur de tels esprits les promesses sont d’un effet irrésistible. A l’heure présente, continue le narrateur, ceux qui n’ont pas bénéficié du changement apprécient la grandeur du désastre pour les indigènes ayant souscrit l’arrêt qui les rend la proie de bandes d’aventuriers affluant de toute part, les uns engagés dans les offices publics, les autres simples spéculateurs. Il vient d’arriver de Sidney un bâtiment chargé de nouveaux fonctionnaires, magistrats ou employés d’ordre inférieur. A la vérité, l’introduction de la police à Kororarika a rendu service en débarrassant la cité des vagabonds qui l’encombraient. L’officier de la marine des États-Unis estime que l’entreprise du gouvernement britannique a été déterminée par les agioteurs et surtout par l’envie de soustraire la Nouvelle-Zélande à toute atteinte de la part des Français. Il constate le coup porté au commerce de son pays par les droits considérables qu’il faudra désormais acquitter. Les Américains ne pouvant plus posséder aucune partie du sol, les établissemens de pêche devront être abandonnés ; il est interdit aux baleiniers de pénétrer dans les ports ou de pêcher sur les côtes de la Nouvelle-Zélande par suite des charges qu’on impose. Le capitaine Wilkes déclare que l’évêque catholique établi depuis peu sur cette terre réussit à faire de nombreuses conversions, mais il soupçonne que les présens distribués avec une extrême libéralité viennent beaucoup en aide à la prédication. Les naturalistes ont fait une excursion à Wangarara, situé à 30 milles au sud du cap Brett, et la différence entre la population indigène de cette contrée et celle de la baie des Iles les a frappés. Les naturels de Wangarara, n’ayant eu que peu de relations avec les Européens, ne sont pas avilis