Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chevalier Duclesmeur, où la corvette la Coquille reposait à l’ancre au mois d’avril 1824 ; le temps était superbe, et c’était délice de contempler l’espace. La ferme des missionnaires, avec sa jolie maison d’habitation et le jardin rempli de massifs de rosiers en fleurs, parut un séjour plein d’agrément.

Le commandant Du Petit-Thouars s’était tout de suite trouvé en présence de M. Busby, le résident officiel de la Grande-Bretagne, que le capitaine Fitzroy nous a déjà fait connaître. Cet agent, sans fonctions définies, envoyé à la Nouvelle-Zélande avec mission d’y planter le pavillon de sa majesté britannique, gardait le territoire au nom de l’Angleterre. Il devait en informer tous les capitaines de bâtimens de guerre étrangers et les avertir, s’ils avaient l’idée de prendre possession, qu’il était trop tard. À cette époque où les Anglais et les Français n’éprouvaient pas les uns pour les autres des sentimens de très vive cordialité, M. Busby eut les plus aimables attentions pour le commandant et les officiers de la Vénus. M. Du Petit-Thouars le dépeint comme un homme de manières parfaites, qui voulut bien être le meilleur des guides dans la plupart de ses excursions.. On disait alors dans le pays que les missionnaires anglicans, livrés à des querelles de sectes, s’occupaient beaucoup plus de leur bien-être et des intérêts de leur fortune en ce monde que du salut des indigènes. Chaque jour ils donnaient aux Néo-Zélandais le spectacle de leurs jalousies et de leurs haines violentes ; ils prêchaient les uns contre les autres en se dénigrant de la façon la plus scandaleuse. Les wesleyens, les colons de Waimata, étaient seuls réputés pour une sorte de désintéressement. Depuis peu, une mission catholique s’était établie à la baie des Iles; l’évêque, M. de Pompalier, ancien grand-vicaire du diocèse de Lyon, par ses qualités personnelles, avait gagné, semble-t-il, l’affection des tribus qu’il fréquentait. La Vénus faisant ses préparatifs pour le départ, le chef de Kororarika vint à bord avec une nombreuse escorte. Le vieux guerrier se lamente de ne plus rien posséder ; autrefois, disait-il, maître absolu de tout le pays environnant, il eût donné de sa munificence des marques dignes des visiteurs. Ainsi, le malheureux peuple de la Nouvelle-Zélande pliait sous l’étreinte des envahisseurs.

Vers 1837, des baleiniers français commencèrent à se répandre dans la mer du Sud ; notre gouvernement jugea d’une bonne politique de les encourager et de les protéger. La corvette l’Héroïne sous le commandement du capitaine Cécille, partie avec la mission spéciale de servir les intérêts de l’industrie et du commerce, entrait dans la baie des Iles le 24 avril 1838. Des circonstances nous obligent à la suivre dans une partie de sa croisière.

Tandis que le capitaine Cécille veillait dans les eaux de la Nouvelle-Zélande sur les bâtimens français employés à la pêche de la