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et d’une troupe d’enfans. On marche sous bois, puis à travers les champs de maïs et un marais rempli de phormium ; au passage d’un torrent, les indigènes se montrent tout joyeux de porter les étrangers. On était arrivé ; sous un grand arbre, se réunirent les gens des cases disséminées dans la campagne. Bientôt, on put compter une centaine d’individus, hommes, femmes et enfans, dont l’attitude fut loin de déplaire aux officiers britanniques. Les uns sont drapés dans des couvertures, les autres vêtus de nattes du pays. Tout ce monde s’est assis à terre, quelques sièges ont été apportés pour les Européens. L’occasion est propice pour voir rendre la justice comme on la rendait dans l’ancien monde au bon vieux temps. Le silence obtenu, le missionnaire recueille les avis ; on se plaint de la tribu voisine, qui empiète sur le territoire. Bien renseigné sur les motifs de la querelle, le pasteur évangélique va se rendre dans l’autre tribu et arranger l’affaire à la façon d’un juge de paix. M. Fitzroy est émerveillé, en songeant que naguère, en pareille occurrence, il y aurait eu un combat sanglant et nombre de victimes mangées. Le commandant du Beagle se complaît dans l’idée que ses compatriotes, il y a plusieurs centaines d’années, ne valaient pas mieux que les sauvages de la Polynésie ; ainsi, à l’égard de ces derniers, l’espérance reste sans limites. Maintenant les Néo-Zélandais de la baie des Iles ont perdu l’habitude de saluer en frottant nez contre nez ; ils donnent des poignées de main comme des Anglais, et de chacun ils attendent cette marque de politesse ; quelques-uns savent un peu lire et écrire. Non loin de l’arbre où s’était tenue l’assemblée, les indigènes bâtissaient une chapelle et se montraient fiers de leur ouvrage. Néanmoins, les querelles et les rixes étaient assez fréquentes ; des insulaires maltraités par des Européens exerçaient des représailles, souvent au hasard ; malheur alors à ceux qui se trouvaient à leur portée ! Pendant la station du navire britannique, on parlait de l’approche du baron de Thierry, un aventurier qui prétendait à la souveraineté de la Nouvelle-Zélande ; le commandant regrette bien fort de songer que le résident anglais, M. Busby, n’a point qualité pour prendre des mesures contre un intrus de ce genre. On s’entretenait beaucoup encore de l’activité que les officiers de la Favorite avaient mise à visiter toutes les criques, à gravir toutes les collines pour relever d’une manière exacte le plan de la baie des Iles. Indigènes et colons n’avaient pu comprendre un pareil souci de la part d’étrangers.

Toujours sous la conduite du missionnaire, M. Baker, on entreprit une excursion à Waimata, à l’établissement fondé en vue d’introduire l’agriculture et les arts mécaniques parmi les naturels. Après s’être avancé en bateau dans une des nombreuses criques qui découpent le rivage, on partit à cheval. La première colline étant