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sites les plus beaux et les plus grands de l’histoire sont là sous les yeux du voyageur ! Il est impossible d’échapper à l’émotion de pareils souvenirs. Combien de fois Jésus a-t-il erré sur ces hauteur ! Combien de fois, en contemplant ce sublime paysage, a-t-il senti s’éveiller en lui l’inspiration divine ! Il aimait particulièrement les montagnes; les actes les plus importans de sa carrière s’y sont déroulés : il s’y retirait pour prier, pour méditer sur son œuvre, pour s’entretenir avec les anciens prophètes. Or tous les lieux qu’il apercevait de la montagne de Nazareth lui apportaient un enseignement, une consolation ou une espérance. Les longues années de sa jeunesse sur lesquelles l’Évangile est presque muet se sont certainement passées là, dans une contemplation féconde, d’où il est sorti assuré de sa mission et décidé à la remplir jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au supplice. Tandis que la plupart des sanctuaires de la Judée inspirent le doute ou même la négation, le plateau de Nazareth ne saurait provoquer que la plus entière confiance. Il est sûr que les pas de Jésus l’ont foulé, il est sûr que sa pensée y a mûri sous les rayons d’un soleil splendide, en face d’une des plus nobles et des plus riantes perspectives du monde. Si sa trace humaine peut se retrouver quelque part, c’est assurément à cette place. Le christianisme est né là; cette cime a été son berceau, et, par bonheur, aucun temple moderne, aucune construction païenne n’en a jusqu’ici déshonoré la simplicité. Il est donc permis d’y rêver en liberté, après Jésus, aux destinées de l’homme, d’y agiter comme lui l’éternel problème auquel il a donné la seule solution qui réponde sinon aux objections de notre esprit, du moins aux inspirations de notre cœur, de chercher à y entrevoir, par-delà l’horizon délicieux de la Galilée, l’aurore du royaume de Dieu. Mais, dès que le soir commence à tomber, il faut descendre dans la vallée pour aller contempler, à la fontaine de la Vierge, le défilé des femmes de Nazareth, qui s’y rassemblent au déclin du jour. Antonin Martyr, je l’ai dit, avait été frappé de la beauté de ces femmes, il y voyait même un don de Marie. J’avoue que mon admiration n’a pas été aussi vive que la sienne, bien que le type syrien ne manque ni de grâce ni de langueur. Le spectacle de la fontaine de la Vierge m’a causé quelque déception. J’avais la mémoire remplie de descriptions charmantes auxquelles la réalité ne répond pas. Le chemin qui conduit à la fontaine avait encore augmenté mon attente; il grimpe à travers des cactus et des constructions pittoresques, et l’on y rencontre sans cesse une longue procession de femmes qui vont à la source ou qui en reviennent. Les premières, la cruche placée en travers sur la tête, marchent d’un pas précipité; les autres, la cruche relevée, s’avancent par groupes de quatre ou cinq avec cette souplesse de;