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arrosées par de superbes fontaines et des ruisseaux qui coulent en abondance de tous côtés. Naplouse n’aurait d’ailleurs rien de remarquable sans la synagogue des Samaritains et le fameux Pentateuque qu’ils y conservent avec un pieux respect. Le bazar y ressemble à tous les bazars d’Orient, les mosquées sont fort ordinaires ; d’ailleurs on ne les visite pas très facilement, la population de Naplouse étant assez fanatique. Une petite communauté catholique, composée de soixante personnes environ, toutes étrangères, est desservie par un curé dont la maison s’ouvre aux voyageurs. Le jour où j’y ai cherché l’hospitalité, le curé était fort préoccupé d’une aventure malheureuse arrivée à une jeune fille chrétienne du fait de quelque musulman peu scrupuleux. Malgré tous mes efforts pour le faire parler d’autre chose, il en revenait toujours à l’histoire de sa jeune fille et aux dangers que ce mauvais exemple, s’il restait impuni, risquait de faire courir au reste de ses brebis. J’essayai, pour le consoler, de lui rappeler qu’une des premières fois où il est question de Sichem dans la Bible, c’est à propos d’un incident de la nature de celui qu’il me racontait. Je n’oserais reproduire ici tous les termes du récit biblique, mais je n’hésitai pas à le faire auprès du curé de Naplouse. Jacob avait acheté de la main des enfans d’Hémor, père de Sichem, un champ où il avait établi un autel et son campement. Tandis qu’il était occupé à prier Dieu, sa fille, Dina, entraînée par une imprudente curiosité, était allée se promener dans les environs à la recherche des jeunes filles du pays. Or, à la place de jeunes filles, elle rencontra Sichem, fils d’Hemor, qui, séduit par ses attraits, la vit, la revit et se comporta avec elle d’une manière que la Bible exprime très crûment. Mais c’était pour le bon motif, car, sa passion à peine assouvie, il fut trouver son propre père, et le pria de demander Dina en mariage à Jacob. On ne pouvait donc lui reprocher qu’un peu de précipitation. Néanmoins, Jacob et ses fils se vengèrent cruellement de l’insulte qu’ils croyaient avoir reçue de lui. « Jacob, dit la Genèse (XXXIV), apprit qu’il avait violé Dina, sa fille, et ses fils étaient aux champs avec son bétail. Ainsi, Jacob se tut jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés. — Alors Hemor, père de Sichem, vint pour parler à Jacob. — Et aussitôt que les enfans de Jacob eurent appris ce qui était arrivé, ils revinrent des champs et furent extrêmement fâchés et fort irrités à cause de l’action infâme que cet homme avait commise contre Israël en couchant avec la fille de Jacob, ce qui ne se devait point faire. — Et Hémor leur parla et leur dit : « Sichem, mon fils, a beaucoup d’affection pour votre fille ; donnez-la-lui, je vous prie, pour femme. — Et alliez-vous avec nous : donnez-nous vos filles et prenez les nôtres pour vous. — Et habitez avec nous, et le pays sera à votre