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Elles ne ressemblent pas à ces élections du 14 octobre 1877, qui étaient une vraie, une longue et émouvante bataille de trois mois, qui pouvaient conduire aux plus redoutables conflits et engager l’avenir de la France. Les élections d’aujourd’hui sont à peine une lutte, une campagne de quelques jours, et si elles suscitent une certaine agitation partielle et factice dans quelques villes, dans des centres populeux, dans des réunions plus tapageuses que sérieuses, elles laissent visiblement la masse nationale assez calme, presque indifférente. Elles s’engagent de façon à ne pas laisser présager de grands changemens. Elles ont cependant leur importance, ces élections prochaines, et par les circonstances dans lesquelles elles s’accomplissent et par les questions de toute sorte, extérieures ou intérieures, qu’elle trouvent en suspens, et par les infatuations ou les illusions qu’elles peuvent faire naître chez les républicains à peu près assurés de la victoire du scrutin ; elles pourraient surtout avoir de périlleuses conséquences si on se méprenait sur l’état réel de l’opinion française, si dans ce calme, dans cet apparent désintéressement du pays, ceux qui gouvernent ou qui aspirent à gouverner ne voyaient qu’une sanction de toute leur politique.

Le seul fait vrai, le secret de cette sorte de tempérance publique à la veille d’un vote qui a pourtant sa gravité, c’est que le pays, croyant avoir trouvé le repos sous le régime qui lui a été donné, ne veut pour le moment ni agitations ni révolutions nouvelles ; il s’en tient à ce qui est, il vote pour ce qui existe, et, à y regarder de près, c’est là justement ce qui fait le désavantage des partis conservateurs d’aujourd’hui dans les luttes où ils sont engagés, dans ces élections qui se préparent. Cela s’explique. Les conservateurs expient une erreur de conduite qui date de quelques années déjà, qui leur a créé des difficultés croissantes. Ils n’ont pas su se décider à propos, mettre en réserve leurs espérances et entrer simplement, franchement, sans arrière-pensée, dans un ordre d’institutions qui pouvait ne pas répondre à leurs vœux, qui était néanmoins le seul possible. Ils n’ont pas vu que, faute de se rendre assez tôt à la nécessité des choses, ils s’exposaient à user ce qu’ils avaient d’autorité et de talent dans une entreprise sans issue, à justifier jusqu’à un certain point cette accusation banale qui ne leur a pas été épargnée de vouloir se servir de la constitution contre la constitution elle-même. Coalisés plus ou moins contre la république sans pouvoir la remplacer, ils frappaient d’avance de stérilité une opposition devenue forcément suspecte dans ses revendications conservatrices. Il en est résulté pour eux une situation mal définie qui, dans un moment d’élection, laisse éclater les incohérences, qui ressemble un peu aujourd’hui à du désarroi. Ce ne sont pas évidemment les comités royalistes qui peuvent se promettre de rétablir les affaires de la monarchie avec leurs mots d’ordre, leurs appels revêtus du sceau royal, et leurs arrêts