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— Vous aider ? Et comment serait-ce possible ?

— En devenant ma femme... Ne prenez pas cet air effrayé : je vous ai donné mon cœur sans le dire, il est à vous, quoi que vous décidiez. Je ne vous demande aucune promesse immédiate. Vous êtes très jeune, vous ne connaissez rien du monde. Attendons si vous voulez... Moi, je ne changerai pas... Vous aurez toujours un ami, et, croyez-moi, un véritable ami est quelque chose dans la vie.

— Oh ! monsieur... Si Mme Goldwin savait !..

— Soyez en repos, elle sait, elle approuvera.

— Je vous en prie, n’insistez pas, je ne peux répondre... je pensais si peu...

— Aussi tout ce que je vous demande est de penser maintenant, à moins poursuivit-il, en pâlissant, qu’il n’y ait quelque obstacle, que vos affections ne soient engagées.

— A personne ! non ! à personne ! s’écria la pauvre enfant épouvantée, comme s’il allait lui arracher son secret.

Elle fondit en larmes, en larmes indignées. C’était mal, c’était cruel de la faire mentir, et tandis qu’elle pleurait, son cœur s’endurcissait contre l’honnête homme qui lui demandait si franchement sa main et qui eût donné son sang pour elle.

— Calmez-vous, mon enfant ; je ne veux savoir rien de plus ; demain je m’éloigne. Ma cousine désire, et elle a raison, que je ne vous revoie pas ici, mais cet hiver elle vous emmènera, je pense, en Italie, et là nous nous rejoindrons. Si vous pouvez me donner alors quelque espérance, je serai le plus heureux des hommes. Que Dieu vous garde !.. Au revoir !

Il prit sa main et la tint un moment dans la sienne avec émotion.

— Maman, demandèrent ce soir-là les petites filles à leur mère, qu’est-ce que cousin Hubert a donc pu dire à miss Dawson pour la faire pleurer au bord de l’eau ?

Les pâquerettes n’avaient pas tant absorbé leur attention qu’elles ne se fussent aperçues de ce qui se passait.


HAMILTON AÏDE,


Traduction de Th. BENTZON.