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Péloponnèse, les Chiotes furent tour à tour du côté de Sparte et du côté d’Athènes, selon que la victoire suivait Sparte ou suivait Athènes. Dans la bataille qui mit fin à ce duel de trente ans, à Ægos-Potamos, les Chiotes étaient avec les Spartiates. Un historien a dit que les Chiotes contribuèrent puissamment à la victoire et se conduisirent avec vaillance. Mais Ægos-Potamos ne fut pas une bataille. Ce ne fut qu’une surprise terminée par un horrible massacre. Le zèle des Chiotes envers Sparte ne leur profita pas. Lacédémone traita ces alliés fidèles en ennemis vaincus. Un harmoste vint occuper l’île avec une garnison. La flotte fut saisie, et défense fut faite d’en créer une nouvelle. Il y eut des supplices, des proscriptions. La terreur régna à Chio. Si Athènes était parfois exigeante, son gouvernement n’eut jamais le caractère vexatoire ni les duretés farouches du gouvernement de Sparte.

Nous ne suivrons pas l’histoire politique et municipale de Chio en toutes ses péripéties. Vlastos, dans son gros livre sur Chio[1] et M. Fustel de Coulanges, dans un Mémoire savant et étendu[2], ont épuisé le sujet. Nous ferons seulement le sommaire des principaux événemens de la vie nationale de Chio jusqu’à la conquête turque. — Durant la période de l’histoire grecque qui s’étend de la fin de la guerre du Péloponnèse aux premières expéditions des Romains, les Chiotes, que le traité d’Antalcidas avait délivrés de la domination lacédémonienne, furent tour à tour alliés des Athéniens, des Lacédémoniens, des Thébains et des barbares. Est-il besoin d’ajouter que ces diverses alliances étaient la conséquence des succès des Athéniens, des Lacédémoniens, des Thébains et des barbares ? — Les Chiotes avaient l’esprit de n’être jamais du parti des vaincus. — Une fois cependant, ils manquèrent de perspicacité. Ils appelèrent une garnison perse au moment où Alexandre portait ses armes en Asie. D’ailleurs, s’ils ne surent pas prévoir la fortune du jeune héros, ils furent des premiers, entre tous les Grecs à se soumettre à la puissance romaine. Dès la première apparition des Romains en Grèce, les Chiotes se déclarèrent leurs alliés. Ils leur restèrent toujours fidèles. Toutefois force leur fut de se rendre à Mithridate et de lui donner leurs navires. Mais le roi de Pont, ayant appris que les Chiotes avaient gardé des intelligences avec Rome, conçut contre eux une extrême colère. Son lieutenant Zénobius rassembla les principaux citoyens au théâtre et leur déclara qu’il fallait livrer toutes leurs armes et payer dans l’instant une contribution de 2,000 talens. Les Chiotes obéirent. Zénobius s’écria alors qu’il manquait quelques drachmes à la somme exigée et fit déporter en masse les

  1. Χιαϰὰ ἤτοι ἱστορία τῆς νήσου Χίου (Chiaka êtoi historia tês nêsou Chiou), 2 vol. ; Syra, 1840.
  2. Mémoire sur l’ile de Chio. (Archives des Missions scientifiques, tome, V, 1856.)