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et que cela lui suffisait. À la fin de janvier, elle était toujours dans les mêmes dispositions. Rambouillet, envoyé en Écosse, étant venu la saluer à Windsor, elle lui dit formellement qu’elle ne se marierait jamais à un prince étranger, car les conditions qu’elle exigerait ne seraient point acceptées et qu’elle était décidée à épouser Leicester. Mais, le mois suivant, l’influence de Cecil reprit le dessus. D’après ses conseils, sir Richard Sackville fut désigné pour aller à Vienne renouer les négociations avec l’archiduc Charles. Cecil écrivit à Leicester et, faisant appel à son patriotisme, il l’invita à sacrifier son ambition au bien et au repos de l’Angleterre. Pour le forcer à ce désistement, il fut même question de reprendre l’enquête commencée après la mort de sa femme. Cecil n’avait pas mesuré l’étendue de l’affection qu’Élisabeth portait encore à son favori. Elle ne voulut pas signer les instructions de Sackville que Leicester, alors absent, ne fût de retour ; mais avant même qu’il fût rentré à la cour, la mission de Sackville était abandonnée, et Élisabeth, revenue à l’idée d’épouser Leicester, ne voyait plus que par ses yeux. Un événement forcément attendu allait la rejeter dans de nouvelles incertitudes. Au milieu d’un bal qu’elle donnait à Greenwich, on lui apporta la nouvelle de la naissance de Jacques Stuart, dont Marie Stuart était accouchée dans la matinée du 19 juin. Ce fut comme un coup de foudre ; les danses cessèrent tout aussitôt ; tous les invités se retirèrent ; restée seule, Élisabeth s’affaissa dans un fauteuil et se tournant vers ses dames d’honneur : « La reine d’Écosse, leur dit-elle, est accouchée d’un beau garçon et moi je reste comme un tronc stérile. »

Paul de Foix avait souvent demandé à rentrer en France. Catherine se rendit à son désir et le remplaça par Bochetel de la Forest, qui avait longtemps représenté la France dans les Pays-Bas. Dans une lettre du 26 juillet 1566, elle trace au nouvel ambassadeur sa règle de conduite, en tout conforme à celle que Foix avait suivie jusqu’alors. « Faites, lui disait-elle, tout ce que vous pourrez pour le comte de Leicester, après lui avoir toutefois fait entendre ce que vous désirez faire en faveur de sa cause et avoir eu sur ce son avis. » Puis, venant à lui parler de l’ambassadeur qu’Élisabeth envoyait à Vienne pour porter à l’empereur l’ordre de la Jarretière : « Mettez peine, ajoutait-elle, de savoir si cette présentation ne sera pas accompagnée d’autre charge pour renouer le fait du mariage avec l’archiduc. » C’était son idée fixe ; elle le craignait toujours.

Chaque année, Élisabeth faisait dans les provinces un voyage d’un ou deux mois ; cette année, elle devait visiter le Lancashire et rentrer à Londres par Oxford. Invité par la reine à la suivre dans cette