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leurs prières sar la rive opposée à celle où je me trouvais. Des oiseaux et des grenouilles poussaient des notes discordantes ; un pâtre chantant presque à pleine voix, chose bien rare dans un pays où tout le monde chante du nez, faisait entendre une mélodie douce, grave, mélancolique qui se mêlait pour moi à tous les souvenirs historiques du lieu où je me trouvais. Le soir, les habitans du village m’offrirent d’exécuter une danse bédouine aux flambeaux. J’étais trop amoureux de la couleur locale pour refuser cette proposition. La danse bédouine de Jéricho est célèbre dans toute la Palestine ; j’avouerai cependant qu’elle ne vaut pas sa réputation. Les hommes s’avancent d’abord, en formant un grand cercle où chacun frappe des mains pour accompagner une sorte de refrain. Je ne comprenais rien à ce refrain, mais mon drogman se chargea de me le traduire. Les Bédouins, s’adressant d’abord à moi, me disaient : « Vive monsieur ! Dieu le protège et lui donne de longs jours ! » Puis, en gens pratiques et qui ne perdent pas de vue l’essentiel de la vie, ils se tournaient vers mon drogman en disant : « Dieu protège Francis pour qu’il nous fasse donner un bon bakchich. » Ces paroles, qui n’avaient rien de bien triste, étaient prononcées sur le ton de la douleur la plus vive, tandis que les Bédouins, les pieds à peu près immobiles, courbaient tous à la fois leurs corps à droite et à gauche comme des épis de blé que des vents contraires pousseraient dans toutes les directions. Tout à coup, l’un d’eux, armé d’un cimeterre, se place au milieu de la ronde mouvante, qu’il fait semblant de vouloir traverser ; mais chacun le repousse, se précipite à sa rencontre pour arrêter sa fuite ; il est maintenu de force au milieu du cercle ennemi, qui se resserre de plus en plus autour de lui. Enfermé dans cette prison humaine, il pousse des cris de désespoir et fait le geste de se trancher la tête avec son cimeterre. A chaque reprise, la scène recommence : le Bédouin prisonnier se courbe pour essayer de passer entre les jambes de ses adversaires, se relève brusquement pour leur échapper par une attaque soudaine et, voyant ses efforts impuissans, gémit en lamentations étranges et passe à son cou son arme inoffensive. De temps en temps, il s’avance vers moi en poussant une sorte de cri aigu, strident, métallique qui sert de cri de guerre aux femmes lorsqu’elles assistent à une bataille pour encourager les combattans.

A l’extrémité du cercle des danseurs, de beaux vieillards accroupis et appuyés sur de longs bâtons font un admirable fond de toile ; leur visage est noir comme du charbon, et dans l’obscurité de la nuit, on ne distingue bien que l’éclat de leurs yeux, la blancheur de leurs dents et de leurs barbes, la grâce majestueuse de leur tournure. Des jeunes gens d’une douzaine d’années placés à côté